Liste des ateliers

Congrès AFEA 2013 – Angers, 22-26 mai
Religion et spiritualité
Appels à communications

Organisation scientifique : Richard Anker (Université Clermont 2) et Nathalie Caron (Université Paris-Est Créteil).

1 Histoire coloniale I : Ouvrir l’histoire religieuse de l’Amérique coloniale
Colonial History I: Opening up the Religious History of Colonial America

2 Histoire coloniale II : L’évangélisation dans l’Amérique coloniale : politiques et pratiques (1580-1800)
Colonial History II: Christianization in Colonial America: Policies and Practices (1580-1800)

3 La religion face à l’État entre 1640 et 1914
Religion and the State, 1640-1914

4 La religion et le sacré, leurs rapports avec la guerre ou avec la recherche de la paix : modalités d’expression, propagande, arts et littérature, de la guerre de Sécession à nos jours
Religion and the Sacred at War or Promoting Peace: Discourse, Propaganda, Arts and Literature from the Civil War to the present

5 Marché des religions et religion(s) du marché, 1950-2013
The Market of Religions and the Religion(s) of the Market

6 De la théosophie au New Age : les enfants d’Helena Petrovna Blavatsky
From Theosophy to the New Age: Where Have the Children of H. P. Blavatsky Gone?

7 Religion et sécularisation dans la vie juive américaine
Religion and Secularization in American Jewish Life

8 Les tribulations de la droite chrétienne
The Travails of the Christian Right

9 Des « nouvelles religions » aux contours flous de la spiritualité : quelle place pour la notion de « sectes » aux États-Unis ?
From “New Religions” to the Blurry Edges of Spirituality: Where do “Cults” Fit in the American Religious Landscape?

10 Religion, spiritualité et politisation des sexualités
Religion, Spirituality, and the Politicization of Sexualities

11 Religion et mouvements contestataires
Religion and Protest Movements

12 La religion dans l’ordre international
Religion and International Relations

13 L’Amérique est-elle sortie de l’âge théologique ?
Leaving or Living the Theological Age?

14 Héritage spiritual, empreinte du religieux dans les littératures « minoritaires »
Spiritual Heritage, the Imprint of the Religious in “Minority” Writings

15 « The Standard of Language as well as of Faith » : la Bible dans la poésie américaine du XIXe siècle
“The Standard of Language as well as of Faith”: The Bible in Nineteenth-Century American Poetry

16 La religion et son autre de Dickinson à Ginsberg
Religion and its Other from Dickinson to Ginsberg

17 La transcendance sans Dieu : poésie et élan mystique
Transcendence without God: Poetry and Mystical Aspiration

18 Fictions du religieux : le travail du sentiment dans la littérature américaine
Religious Fictions: The Political Work of Sentiment in American Literature

19 L’expérience de la crise spirituelle et la question des croyances (1897-1907)
The Experience of Spiritual Crisis and the Question of Belief (1897-1907)

20 Le spectral comme trace du religieux
Spectrality/Spirituality

21 Religion et spiritualité à l’épreuve de la modernité
Modernity: A Test for Religion and Spirituality

22 « The Christ-haunted South » ou l’importance du religieux dans la littérature du Sud
“The Christ-Haunted South,” or the Importance of Religion in the Literature of the American South

23 Poétiques de l’inscription : des théologies de la lettre à la désacralisation de l’écriture
Poetics of Inscription: From Theologies of the Letter to the Desacralization of Writing

24 Mystiques du langage en fiction contemporaine
Mystique of Language in Contemporary American Fiction

25 Crises et formes littéraires de la croyance
Literary Crises and Forms of Belief

26 « There’s only one god and we don’t believe in him » : la religion à fleur de texte
“There’s only one god and we don’t believe in him”: Religion under Erasure

27 La fin du monde, ou l’écriture et la désincarnation
The End of the World, or Writing and Disincarnation

28 Incarner la spiritualité et inscrire la religion dans le cinéma américain
Incarnating Spirituality and Inscribing Religion in American Cinema

29 Religion et transgression dans la littérature et les arts visuels
Religion and Transgression in US Literature and Visual Arts

30 Les icônes entre sécularisation et resacralisation
Icons: Between Secularization and Resacralization

31 L’esprit iconoclaste I : religion et blasphème dans la culture populaire
The Iconoclast Spirit I: Religion and Blasphemy in Popular Culture

32 L’esprit iconoclaste II : religion et blasphème dans la musique populaire
The Iconoclast Spirit II: Religion and Blasphemy in Popular Music

33 Séries télévisées, religion et spiritualité
TV Series, Religion and Spirituality

1. Histoire coloniale I : Ouvrir l’histoire religieuse de l’Amérique coloniale
Lauric Henneton (Université de Versailles Saint-Quentin) et Elodie Peyrol-Kleiber (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis)

La période coloniale de l’histoire américaine, jusqu’à la séquence révolutionnaire, est depuis longtemps un terrain privilégié de l’étude des phénomènes religieux, de la mise en place (contestée) d’une hégémonie puritaine en Nouvelle-Angleterre et d’une Église anglicane établie en Virginie à un marché plus librement concurrentiel en Pennsylvanie puis à l’irruption des réveils évangéliques au milieu du XVIIIe siècle, notamment dans un arrière-pays largement sous-christianisé.

Le présent atelier s’appuie sur la production historiographique la plus récente pour inviter des communications pluridisciplinaires et transversales qui s’inscriraient dans une triple ouverture de l’histoire religieuse de la période coloniale.

1. Une ouverture géographique, en envisageant les phénomènes nord-américains dans une perspective au moins atlantique, sinon globale, comme y invitent par exemple Alison Games et Peter Coclanis (William and Mary Quarterly, 2006), notamment à travers les phénomènes de circulation des personnes, des écrits, des idées et des pratiques, ainsi que les réseaux.
2. Une ouverture chronologique, en n’envisageant plus la Révolution comme une barrière infranchissable, mais en privilégiant une perspective plus longue, de façon à mettre en évidence les continuités et les ruptures et donc les spécificités de la période coloniale, notamment à travers les questions d’héritage, de mémoire, de revendications identitaires par rapport à une tradition, des Pères ou des épisodes fondateurs, à la faveur de réécritures de l’histoire.
3. Une ouverture disciplinaire, enfin, qui, à l’image de publications récentes, montre l’impact des phénomènes religieux :

a. en matière politique : Thomas Kidd sur le rôle de la religion dans la Révolution, Denis Lacorne, Evan Haefeli et David Sehat sur les questions de tolérance et de liberté religieuse, David Hall sur les liens entre puritanisme et modernité ;
b. en matière économique : Mark Valeri, Heavenly Merchandize, et Katherine Carté Engel, Religion and Profits, sur les relations entre pensée religieuse et pratiques commerciales chez les puritains et les moraves ;
c. en matière de relations internationales et de géopolitique, comme les livres d’Owen Stanwood sur la Glorieuse révolution, George McKenna sur les liens entre puritanisme et patriotisme ou la somme d’Andrew Preston, Sword of the Spirit, Shield of Faith: Religion in American War and Diplomacy ;
d. en matière de relations sociales et interethniques enfin (Rebecca Goetz, The Baptism of Early Virginia: How Christianity created Race), ou comment les arguments religieux visaient à justifier ou au contraire à dénoncer l’esclavage.

Enfin, comme y invite l’appel à communication du congrès, les communications porteront autant que possible sur la place problématique de la religion et de la dissidence religieuse dans l’espace public ainsi que du poids des Ecritures et du providentialisme dans l’appréhension du monde, notamment dans le cadre de l’histoire des sciences, ainsi que la tension entre pluralisme religieux et déclin de la foi (declension), réel ou perçu, comme en témoignent par exemple les jérémiades puritaines de Nouvelle-Angleterre.
Les propositions de 200 mots sont à envoyer avant le 15 décembre 2012 à : Lauric Henneton, et à Elodie Peyrol.

Colonial History I: Opening up the Religious History of Colonial America
Lauric Henneton (Université de Versailles Saint-Quentin) and Élodie Peyrol-Kleiber (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis),

The colonial period in American history, down to the Revolution, has long been an important field for the study of religion, what with the setting up of a Puritan hegemony in New England and an established Church of England in Virginia, however disputed by dissenters, to a supposedly free(r) religious marketplace in Pennsylvania and the outbreak of evangelical awakenings in the mid-eighteenth century, notably in a largely under-Christianized backcountry.

This panel invites papers with a transversal or interdisciplinary approach reflecting at least one of the following thought-provoking trends in recent publications in the field:
1. Papers that would consider North American religious phenomena in an Atlantic, if not global, perspective, along the lines prescribed by Alison Games and Peter Coclanis, among others, through the study of networks and the impact of an increased circulation of people, publications, ideas and practices across the Atlantic and beyond.
2. Papers that would look at founding fathers (and mothers) and founding episodes through the lens of memory, the (re)writing of history and the construction of identities on the basis of the colonial past in the post-Revolution United States.
3. Papers that would consider the impact of religious issues on other disciplines, such as politics (Thomas Kidd on religion and the Revolution, Denis Lacorne, Evan Haefeli and David Sehat on toleration and religious liberty, David Hall on Puritanism and modernity), economics (Mark Valeri, Heavenly Merchandize, and Katherine Carté Engel, Religion and Profits, on the relations between religion and commercial practices among Puritans and Moravians), international relations and geopolitics (Owen Stanwood on the Glorious Revolution, George McKenna on Puritanism and patriotism, or Andrew Preston’s masterly Sword of the Spirit, Shield of Faith: Religion in American War and Diplomacy), or social and interethnic relations (Rebecca Goetz, The Baptism of Early Virginia: How Christianity created Race), such as the religious discourse justifying or attacking slavery, for instance.

Finally, following the general call for papers, paper presenters will seek to address the problematic place of religion and religious dissent in the public square and of a Scriptural and providential worldview in the perception of the (natural) world, for instance in the history of science, as well as the tension between religious pluralism and declension (real or perceived), as voiced in the Puritan jeremiads.
Abstracts of 200 words should be sent to Lauric Henneton and Elodie Peyrol, by December 15, 2012.

2. Histoire coloniale II: L’évangélisation dans l’Amérique coloniale : politiques et pratiques (1580-1800)
Bertrand Van Ruymbeke (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis) et Anne-Marie Liberio (Université Paris 4 Sorbonne)

Le Nouveau Monde suscita dans l’esprit des Anglais des utopies d’origines aussi diverses que leurs aspirations religieuses furent hétérogènes. En fondant les colonies de la Nouvelle-Angleterre, les séparatistes (ou « Pères Pèlerins ») et les puritains crurent saisir l’opportunité d’établir une Église idéale, nouvelle pour les uns, ou purifiée pour les autres. Roger Williams et William Penn, quant à eux, conçurent le Rhode Island et la Pennsylvanie comme des modèles de tolérance spirituelle.

Malgré ces distinctions, les protestants se montrèrent soudés face aux jésuites, quand il fut question des rapports avec les Amérindiens. De même que les prêtres et les pasteurs se disputèrent la fidélité des autochtones, les gouverneurs français et anglais rivalisèrent de présents, afin de remporter l’allégeance de dirigeants influents, au premier rang desquels figuraient les représentants iroquois. Dans les deux cas, spirituel et temporel, contrer les « séductions » exercées par les missionnaires de la Compagnie de Jésus, et défendre leurs frontières, constituèrent des priorités pour les Anglais.

Ainsi, au même titre que dans les espaces catholiques, l’expansion anglaise se fit au nom de la religion. Parmi les promoteurs de la première heure, Richard Hakluyt incita les « Princes d’Angleterre, défenseurs de la foi », à envoyer des pasteurs aux « idolâtres, qu’il sera très aisé de persuader », puisqu’ils semblaient disposés à « imiter » les pratiques religieuses des Européens (Discourse of Western Planting, 1584). Inspirées par l’optimisme de ces récits initiaux, et faisant écho aux motivations exprimées lors de l’aventure de Roanoke (1584-1590), les chartes légitimant les implantations ultérieures portèrent toutes une mention semblable à celle octroyée pour la Virginie, encourageant la « propagation de l’évangile à tous les peuples qui vivent encore dans les ténèbres » (1606).

La christianisation des autochtones tissa par ailleurs des liens entre les sujets de la Couronne établis de part et d’autre de l’Atlantique, à travers la formulation de projets communs (discours sur les bienfaits la conversion, récolte de fonds, recrutement de pasteurs et de maîtres d’école).

Si la mise en place de l’instruction religieuse des Amérindiens libres se trouva confrontée à de nombreux obstacles (incompréhensions linguistiques et culturelles, guerres, manque de main-d’oeuvre), l’évangélisation des esclaves, africains et amérindiens, souleva d’autres difficultés. Les maîtres craignaient avant tout que l’octroi du baptême ne devînt synonyme d’insoumission et de révoltes. Par conséquent, en métropole et Amérique, pamphlets, sermons et lois promulguées par les assemblées coloniales, stipulant que la conversion n’entraînerait pas l’affranchissement des esclaves, tentèrent d’atténuer ces appréhensions.

Du point de vue des pratiques d’évangélisation, les spiritualités amérindiennes et africaines, trouvèrent les protestants peu enclins au syncrétisme. Pour les faire accéder à la « civilité chrétienne », les pasteurs requéraient des « adorateurs du Diable », «hors-la-loi de l’humanité » (Samuel Purchas, 1625), qu’ils fissent table rase de leurs croyances. Par la conversion, évangélisés et évangélisateurs travaillaient à leur salut.

Nous nous interrogerons ainsi sur le rôle de la religion dans les interactions entre non-chrétiens, libres et esclaves, et Euro-américains, en gardant à l’esprit la dimension transatlantique de ces échanges. Les communications pourront porter sur les activités de sociétés philanthropiques (New England Company, Society for the Propagation of the Gospel, United Brethren), sur les missions puritaines, anglicanes et allemandes, ou sur les initiatives d’individus, tels George Thorpe en Virginie (1620-1622), Elie Neau à New York (1704-1727), ou Eleazar Wheelock au Connecticut (1750-1770). Les rapports entre religion, instruction et esclavage, à travers l’étude de travaux comme ceux entrepris par Anthony Benezet auprès d’enfants africains (1750-1784), seront également envisagés.

Nous nous pencherons enfin sur la réception des enseignements chrétiens par les autochtones (peuples des familles algonquienne, iroquoise et muskogee) et les Africains. Certains groupes ou individus connurent des prêtres et/puis des pasteurs (parfois de dénominations et nationalités différentes). Quelles furent, sur le terrain, les spécificités des uns et des autres, catholiques et protestants ? Comment le christianisme fut-il intégré aux pratiques religieuses non-chrétiennes ?
Les propositions de 200 mots sont à envoyer avant le 15 décembre 2012 à Bertrand Van Ruymbeke, et à Anne-Marie Liberio.

Colonial History II: Christianization in Colonial America: Policies and Practices (1580-1800)
Bertrand Van Ruymbeke (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis) and Anne-Marie Liberio (Université Paris 4 Sorbonne)

The New World inspired utopian plans that proved to be as diverse as the colonists’ religious motivations. In New England, the Separatists (or “Pilgrim Fathers”) and the Puritans believed they could seize opportunities to found ideal churches that would be either new or purified. Following different courses, under Roger Williams and William Penn, Rhode Island and Pennsylvania emerged as models of spiritual tolerance.

In spite of these distinctions, the Protestants united against the Jesuits concerning Indian affairs. In the same manner as Catholic clergymen and Protestant ministers competed for the Natives’ loyalty, the English and French governors competed for the Indians¹ esteem with gifts aimed to win the allegiance of influential leaders over (such as the Iroquois representatives). In both religious and secular matters, the English made it their priority to counter Jesuit “seductions.”

Like the Spaniards and the French in the Americas, the English advocated overseas expansion in the name of religion. Richard Hakluyt (1552-1616) was among the earliest proponents of colonization. He invited the “Kinges and Queenes of England,” as “Defendours of the Faithe,” to send preachers to the “idolaters, who are very easie to be perswaded.” Hakluyt assumed that the indigenous nations were inclined to imitate European religious practices (Discourse of Western Planting, 1584). On account of these optimistic theories and the original incentive for the Roanoke undertaking (1584-1590), all the charters issued by the Crown to justify subsequent settlements aimed at “propagating Christian religion to suche people as yet live in darknesse” (Virginia charter of 1606).

The conversion of the Natives also created new links between the subjects of the Crown on both sides of the Atlantic. They worked together to implement this project, thanks to speeches and tracts that promoted evangelization, fund raising, and hiring ministers and schoolmasters.

While the religious instruction of free Indians faced sundry obstacles (linguistic and cultural misunderstanding, war, workforce shortage), Christianizing slaves raised specific issues. The slave masters feared that baptism would lead to upheaval and rebellion. To alleviate this fear, preachers delivered sermons in England and in America, and colonial assemblies passed laws to assert that conversion would not cause enfranchisement.

Furthermore Protestant missionaries showed little interest in syncretism as a means to communicate with Native and African spiritual leaders. The ministers generally required the worshippers of a “tormenting Divell”, who were also ”Out-Lawes of Humanity” according to Samuel Purchas (1625), to eradicate their religious beliefs in order to attain “Christian civility.” Conversion would eventually contribute to rescuing Native and English souls alike.

This workshop will compare the Europeans’policies, their practices, and the way African slaves, Algonquian, Iroquois, and Muskogee nations adapted Christianity. Besides we will examine the extent to which religion informed the interactions between the non-Christians, both free and slave, and Euro-Americans, from a transatlantic perspective. Papers may analyze the activities of philanthropic societies (the New England Company, the Society for the Propagation of the Gospel, the United Brethren), the Puritan, Anglican, and German missions, or the role played by individuals such as George Thorpe (Virginia, 1620-1622), Elie Neau (New York, 1704-1727), and Eleazar Wheelock (Connecticut, 1750-1770). We also invite papers that will combine the analysis of religion, education and slavery (such as Anthony Benezet’s dealings with African children, 1750-1784).

Abstracts of 200 words should be sent by December 15, 2012, to Bertrand Van Ruymbeke and Anne-Marie Liberio.

3. La religion face à l’État entre 1640 et 1914
Lucia Bergamasco (Université d’Orléans)

Dans cet atelier on propose d’explorer les liens que le religieux, c’est-à-dire d’abord essentiellement le protestantisme anglo-saxon a entretenus avec l’autorité civile, de gouvernement et/ou judiciaire depuis la fondation des colonies britanniques jusqu’à 1914. Qu’il s’agisse de bâtir un État peuplé de saints, comme ce fut le cas dans la Nouvelle Angleterre du début, projet qui aboutit, tout au moins, à instaurer un solide système ecclésial et une société ordonnée et organique, ou, que dans les colonies du centre et du sud l’on établisse une église d’Angleterre (puis Episcopalienne) plus ou moins hégémonique, ou, comme en Pennsylvanie, la liberté religieuse, la religion a été un point d’ancrage culturel et institutionnel majeur. Les réveils évangéliques du milieu du XVIIIe et du début du XIXe siècles secouent cet ordre traditionnel et introduisent des éléments de contestation anti-institutionnelle, tout en fondant des traditions de piété individuelle et collective, aussi bien qu’un langage et des projets de société en cours encore aujourd’hui. Dès l’adoption du premier amendement imposant la séparation entre État et religion et résultant dans le disestablishment, (laissé néanmoins aux soins des législatures locales), la scène socio-culturelle évolue et on assiste à la diffusion d’une religiosité populaire (méthodistes, baptistes, disciples of Christ, et autres) contestant tout lien avec l’État. Une posture qui eut des retombées majeures au niveau des loyautés politiques à une époque où les partis politiques étaient en formation. Les Églises traditionnelles (mainstream, congrégationalistes et presbytériennes du Nord-Est), ayant perdu leur ancrage institutionnel, lancent de vigoureuses campagnes de réforme morale de la société, fondent des institutions permanentes, réclament l’aide de l’État au niveau local, et contribuent à leur tour à l’imprégnation du religieux, comme d’une « mentalité » et d’un langage protestants dans le discours politique. Leurs enfants radicaux, abolitionnistes et féministes, portent enfin à leur conclusion logique les projets moralisateurs des Églises traditionnelles, tout en contestant le silence de ces mêmes Églises face aux compromis politiques, intolérables dans une république démocratique, concernant la tare nationale de l’esclavage, ou les injustices flagrantes commises contre les Indiens et les femmes.

Les dernières décennies du siècle voient une présence croissante de cultures religieuses autres que protestantes. Celle portée par l’Église catholique, en premier lieu, mais également par les Églises orthodoxes et par le judaïsme, tandis qu’un mouvement de réforme morale d’inspiration religieuse reprend pied au niveau national (la Women Christian Temperance Union et la Anti-Saloon League, par exemple). Cette nouvelle situation inspire de réponses nouvelles et diversifiées au mouvement progressiste dans ses diverses composantes, qui en même temps réclame l’intervention de l’État. Si la variété religieuse rend les relations entre État et société encore plus complexes et introduit les problématiques relatives au pluralisme ethno-culturel du XXe siècle, les efforts de réforme morale de la société trouvent enfin réponse fédérale dans le dix-huitième amendement et la Prohibition.

Nous invitons les chercheurs qui s’intéressent à la question des liens entre religion et État, que ce soit dans le cadre de l’étude des Réveils, des mouvements réformistes religieux comme l’abolitionniste, ou du disestablishment et des questions constitutionnelles, ou du mouvement Progressiste à nous envoyer des propositions. Celles-ci, de 300 mots maximum, doivent être envoyées à Lucia Bergamasco-, avant le 15 décembre 2012 :

Religion and the State, 1640-1914
Lucia Bergamasco (Université d’Orléans)

In this workshop, we will explore the relations that a predominantly Anglo-Saxon Protestantism has entertained with civil authorities, namely governements and the judiciary, since the foundation of the British Colonies up to 1914. From the colonial beginnings religion has been a central cultural and institutional factor in the building of American society. Anglo-Saxon Protestantism in its Puritan variant inspired the initial project of building a society of saints in New England, which in time resulted in a solid ecclesiastical system and an orderly, organic society. In the Middle and Southern Colonies it resulted in the establishment of a hegemonic Church of England, which was soon challenged by alternative non institutional Churches (Baptist and Presbyterian). Only in Pennsylvania was full religious freedom allowed from the outset of colony’s foundation, resulting in a precocious pluralism. Thereafter, through their resistance to State-supported Churches, evangelical revivals in the eighteenth and early nineteeth centuries helped to shatter the religious establishment where it existed. The result was the First Amendement which, separating the Church from the State, brought about the disestablishment of the institutional, traditional Churches, even though it was left to the States to adopt and implement it. Separation of Church and State and disestablishment also meant the strengthening of a new type of popular religion (Methodists, Baptists, Disciples of Christ, and various new sects), which contested any kind of link with the State—a stance that in turn determined significant political loyalties in the young Republic as political parties were emerging. Stripped of their traditional support from the State, the mainstream North-Eastern Congregationalist and Presbyterian Churches launched vigourous campaigns for the moral reformation of American society, sometimes calling for the State to implement it, and founding permanent institutions which contributed to the absorption of the Protestant religion by American culture, mentality and political language. The radical children of the reform institutions—the abolitionists and early feminists—brought to their logical conclusions the traditional Churches’s efforts at moral reformation, while denouncing these very Churches’ acquiescence to the political compromises regarding the national flaws—or sins—perceived as intolerable in a democratic republic, such as slavery, the destruction of Indians or the oppression of women.

The last decades of the nineteenth century saw the growing presence of religious cultures other than Protestant: the Roman Catholic culture, in particular, but also the Eastern European Orthodox and Jewish cultures, while new religiously-inspired national moral reform organisations were emerging, such as the Women Christian Temperance Union and the Anti-Saloon League. Progressive reformers faced this new situation in diverse, sometimes novel, ways, often calling for State intervention. If religious variety anticipated the new problems of cultural pluralism that was to characterize the twentieth century, progressive efforts at moral reform, first successful at the local level, eventually resulted in federal intervention in the form of the eighteenth Amendment and Prohibition.

We invite scholars working on the relations between religion and the State, whether on revivals, disestablishment, abolitionism, or Progressivism, at any period in American history from the colonial settlement to 1914, to send 300-word proposals by December 15, 2012, to Lucia Bergamasco-.

4. La religion et le sacré, leurs rapports avec la guerre ou avec la recherche de la paix : modalités d’expression, propagande, arts et littérature, de la guerre de Sécession à nos jours
Ineke Bockting (Institut Catholique de Paris), Jennifer Kilgore-Caradec (Université de Caen, LARCA) and Linda Martz (American University of Paris, CERPA)

La Violence et le Sacré (1972) de René Girard a donné naissance au « Colloquium on Violence and Religion » (1990-) ainsi qu’à la revue Contagion : Journal of Violence, Culture and Religion (1990-). L’historien John Dower a décrit « la logique irrépressible de la destruction de masse » dans Cultures of War (2010). Alors que les pays occidentaux, les États-Unis en particulier, fonctionnent selon le paradigme de la sécularisation (Charles Taylor, A Secular Age, 2007), d’autres auteurs montrent que le pouvoir de la religion au sein de la sphère publique n’a pas disparu (voir Judith Butler, Jurgen Habermas et Cornel West in The Power of Religion in the Public Sphere, 2011). « La religion est un moyen de faire la paix, et une raison pour faire la guerre », affirma Craig Calhoun en 2011. La pensée religieuse est à l’origine de la théorie de la guerre juste depuis les temps les plus anciens, jusqu’au temps présent (Michael Walzer, Just and Unjust Wars, 1977 ; Larry May, War Crimes and Just War, 2007), en passant par Hugo Grotius (De Jure Belli ac Pacis, 1625). Les promoteurs de paix ont toutefois souvent été en lien avec des traditions religieuses variées. Nous faisons ici référence à des personnalités telles que Dorothy Day, Cheikh Abdoulaye Dieye, Mohandas Gandhi, Vaclav Havel, Martin Luther King, Nelson Mandela, Aung San Suu Kyi. Comment une société multiculturelle peut-elle tirer parti de références religieuses multiculturelles pour promouvoir la paix ?

Il est souhaité que l’atelier puisse couvrir autant d’aspects qu’il se peut à travers les disciplines sur le thème de la guerre et de l’instauration de processus de paix. Comment dans le cadre de la société américaine a-t-il été possible d’utiliser la religion pour provoquer l’entrée en guerre ? Quels sont les courants de spiritualité qui ont pu prévenir des guerres et promouvoir des processus de paix ? Comment a évolué le rôle de la religion en temps de guerre au cours du temps, depuis la guerre de Sécession, et la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours ? Comment le mythe de la « guerre sainte » a-t-il été utilisé dans le discours public ? Quel rôle la religion a-t-elle joué durant les conflits et après les conflits ? Comment le discours religieux se modifie-t-il en temps de guerre ? Quelle est la représentation de la religion dans la littérature de guerre américaine (poésie, théâtre et prose) ? En quoi cela affecte-t-il d’autres représentations artistiques de la guerre, y compris en matière musicale ? Comment la religion a-t-elle été utilisée dans les affiches de propagande américaines (voir par exemple la représentation de Jeanne d’Arc durant la Première Guerre mondiale) ? Dans le cadre d’une société sécularisée et multiculturelle, le poème « The Battle Hymn of the Republic » de Julia Ward Howe est-il encore acceptable ?

Merci d’envoyer vos propositions à Ineke Bockting, Jennifer Kilgore-Caradec et Linda Martz, avant le 15 décembre 2012.

Religion and the Sacred at War or Promoting Peace: Discourse, Propaganda, Arts and Literature from the Civil War to the present
Ineke Bockting (Institut Catholique de Paris), Jennifer Kilgore-Caradec (Université de Caen, LARCA) and Linda Martz (American University of Paris, CERPA)

René Girard’s Violence and the Sacred (1972), led to the “Colloquium on Violence and Religion” (1990-) and the founding of the periodical Contagion: Journal of Violence, Culture and Religion (1990-). Historian John Dower speaks of “the irresistible logic of mass destruction” in Cultures of War (2010). While inhabitants of Western countries, and the United States in particular, function under the assumption that they live in a secular age (Charles Taylor, A Secular Age, 2007), the power of religion in the public sphere has not been erased (see Judith Butler, Jurgen Habermas, and Cornel West in The Power of Religion in the Public Sphere, 2011). “Religion is a way to make peace and a reason to make war,” stated Craig Calhoun in 2011. Religious thought has inspired just war theory from earliest times, to Hugo Grotius (De Jure Belli Ac Pacis, 1625), to the present (Michael Walzer, Just and Unjust Wars, 1977; Larry May, War Crimes and Just War, 2007). Peacemakers have most often been associated with religious traditions. One thinks of figures such as Dorothy Day, Shaykh Abdoulaye Dieye, Mohandas Gandhi, Vaclav Havel, Martin Luther King, Nelson Mandela, Aung San Suu Kyi. How can a multicultural society draw on multicultural religious references to promote peace?

This panel would like to cover as many fields as possible in a discussion of religion, war and peacemaking. How has religion been used to promote going to war within American society? Which strands of spirituality have actively prevented war and engaged in peacemaking? How has the use of religion in wartime evolved between the American Civil War, World War I, and now? How have “holy war” myths been used in public discourse? What roles does religion play during conflict and after conflict? How does religious discourse come to be modified during wartime? How has religion been depicted in American war literature (poetry, theatre, and prose)? How does it affect other artistic representations of war—including music? How has religion been used in American propaganda posters (one example being the use of Joan of Arc in WWI)? In a secular and multicultural society, is Julia Ward Howe’s poem “The Battle Hymn of the Republic” still to be seen as exemplary?

Please send proposals to Ineke Bockting, Jennifer Kilgore-Caradec et Linda Martz by December 15, 2012.

5. Marché des religions et religion(s) du marché, 1950-2013
Emilie Souyri (Université de Nice Sophia-Antipolis)

L’antimétabole du titre de cet atelier invite à explorer les relations entre religion, spiritualité et économie en se penchant plus particulièrement sur les influences réciproques de deux phénomènes qui sont finalement assez peu étudiés de concert. Pourtant, il est difficile de penser « le marché des religions » sans s’interroger sur l’idée aujourd’hui très en vogue de « religion du marché », souvent utilisée comme synonyme du néolibéralisme. Mais existe-t-il une seule religion du marché ? L’exemple de firmes comme Wal-Mart, Chic-Fil-A, ou Bain Capital, quand elle était dirigée par Mitt Romney, dans lesquelles l’éthique religieuse joue un rôle important, suggère à quel point les sphères religieuses et économiques peuvent être imbriquées aux États-Unis. Il montre aussi que l’influence du religieux dans le monde économique n’est pas monolithique. Inversement, on attribue souvent la persistance d’une ferveur religieuse comparable à celle des pays en voie de développement à la capacité de certaines confessions américaines à répondre aux exigences particulières du « marché » des religions américaines. Des Grands Réveils d’autrefois, au télévangélisme ou aux méga-églises d’aujourd’hui, on observe outre-atlantique une approche beaucoup plus entrepreneuriale de la religion.

Pour analyser ces influences réciproques, l’atelier propose de s’intéresser à ces questions avant tout sur les plans historique, politique et éthique, en se concentrant de préférence sur la période allant de 1945 à aujourd’hui. On pourra, par exemple, interroger la tradition historiographique qui propose une vision du christianisme ancré dans les grands mouvements de la politique américaine. En effet, pour des auteurs comme Robert Wuthnow, James D. Hunter ou Bethany Moreton, les mouvements chrétiens les plus dynamiques des années 1950-70, portés par des militants guidés par leur foi comme Martin Luther King ou César Chàvez qui dénonçaient les inégalités socio-économiques, sont aujourd’hui en perte de vitesse. Ils auraient cédé la place depuis les années 1980 à une interprétation évangélique du péché comme vice personnel qui légitime les structures économiques établies en associant christianisme et libre entreprise (discours légitimé aussi bien par des chrétiens comme Irving Kristol ou Michael Novak que par des pasteurs tels Billy Graham ou Jerry Falwell). Il sera intéressant aussi de déterminer si des religions non chrétiennes s’inscrivent dans ce mouvement et de se demander si la réciproque est valable. Les religions se sont-elles davantage diffusées suivant une logique que l’on pourrait qualifier de « solidaire » dans les années 1950-70 avant de se tourner vers une logique de marché ? Ici on pourra envisager la manière dont les religions, chrétiennes ou non ont été diffusées auprès des nouveaux fidèles (jeunes, immigrés, femmes, etc.). Dans ce domaine les ouvrages de Putnam et Campbell (2010) ou Finke et Starke (2005) sont un point de départ intéressant. Enfin l’atelier accueillera des travaux portant sur l’éthique du travail et des affaires telle qu’elle est prônée par les différentes confessions américaines depuis les années 1950. En effet, les traditions religieuses les plus conservatrices sont loin d’être les seules à inspirer les outils de management actuels comme le démontre la convergence de l’éthique chrétienne et des théories managériales de Douglas McGregor ou encore l’influence du concept de « leader-serviteur » de Robert K. Greenleaf.

Les propositions de communication doivent être envoyées à Emilie Souyri, avant le 15 décembre 2012.

The Market of Religions and the Religion(s) of the Market
Emilie Souyri (Université de Nice Sophia-Antipolis)

The antimetabole of the title is meant to encourage scholars to propose papers on the relationships between religion, spirituality, and the economy in the United States with a particular focus on the reciprocal influences of two phenomena that are not very often analyzed jointly, even though it seems hard to study the “market of religions” while dissociating it from the now very popular idea of the “religion of the market,” often used to refer to the concept of neoliberalism. But is there only one religion of the market? The example of companies like Wal-Mart, Chic-Fil-A or Bain Capital, when it was helmed by Mitt Romney, in which religious ethics play an important part, suggests the extent to which the religious and economic spheres can be intertwined. Conversely, the enduring American religious fervor, similar to that of developing countries, is often attributed to the capacity of certain denominations to live up to the specific demands of the religious market. It also shows how diverse the impact of religion on the economy is. From the first Great Awakening to the rise of televangelism and megachurches, religions have always been extremely entrepreneurial in the United States.

In order to explore these reciprocal influences, this panel will address the question at the political, historical and ethical levels by dwelling mainly on the post-war period (1945-2013). It will for example examine the historiographic tradition offering a vision of Christianity following the greater trends of American politics and their overall vision of the economy. Indeed, for scholars like Robert Wuthnow, James D. Hunter, and Bethany Moreton, the most dynamic and visible Christian movements of the 1950s-1970s, led by activists guided by their faith like Martin Luther King and Cesar Chàvez, who denounced socio-economic inequalities, have lost their momentum. They seem to have been replaced by a new evangelical interpretation of sin as personal vice that legitimates established economic structures by associating religious principles and free enterprise—a position that has been championed by both lay Christians like Irving Kristol or Michael Novak, but also pastors like Richard Neuhaus, Billy Graham, or Jerry Falwell. It will also be interesting to determine whether non-Christian religions participate in this trend and whether the reverse phenomenon is also true. Namely, have religious denominations spread according to a community-based approach in the 1950s-1970s before turning to a market-based one? Presenters may then consider the ways in which religious institutions have reached out to potential new worshippers (youths, immigrants, women, etc.). Here the works of Putnam and Campbell (2010) or Finke and Starke (2005) will be fruitful starting points. Finally the workshop will also welcome papers on the variations in work ethics of different religious denominations since the 1950s. Indeed current management tools are far from being exclusively inspired by conservative theologies as demonstrated by the converging of Christian ethics and Douglas McGregor’s management theories or the influence of Robert K. Greenleaf’s concept of “servant leadership.”

Proposals should be sent to Emilie Souyri by December 15, 2012.

6. De la théosophie au New Age : les enfants d’Helena Petrovna Blavatsky
Bernadette Rigal Cellard (Université Bordeaux 3)

Bien que le New Age en tant que mouvement soit relativement récent, ses racines sont millénaires puisqu’elles nous parviennent d’Égypte, de Chine, d’Inde, du Japon, de Grèce, des druides, des Amérindiens, du christianisme mystique, etc. Cette transmission s’est opérée en grande partie grâce aux travaux ultra syncrétiques de H. P. Blavatsky (HPB) et à sa Theosophical Society fondée en 1875 à New York.

Cet atelier s’intéressera aux différents modes d’adaptation des enseignements retransmis par H. P. Blavatsky. Comment les grands groupes du New Age se positionnent-ils par rapport à ces ésotérismes venus de tous les points du globe ? Quelle est la vitalité des différents courants occultes et métaphysiques à vocation thérapeutique ? Sont-ils dynamiques, dormants, ou en déclin ? Qui sont leurs membres, comment rayonnent-ils ? Parviennent-ils à transformer leur quête personnelle en perfectionnement de leur environnement et du monde, dessein originel de la théosophie ? L’idée sera aussi de tenter de cerner l’impact des enseignements de H. P. Blavatsky et de son entourage non seulement sur la scène religieuse et spirituelle mais aussi sur l’ensemble de la culture et de la société américaines des XXe et XXIe siècles.

Les propositions de communication doivent être envoyées à Bernadette Rigal-Cellard, avant le 15 décembre 2012.

From Theosophy to the New Age: Where Have the Children of H. P. Blavatsky Gone?
Bernadette Rigal Cellard (Université Bordeaux 3)

Even though the New Age as a movement is relatively recent, its roots reach back to Egypt, China, India, Japan, Greece, the druids, Amerindians, Christian mysticism, etc. Such transmission was essentially made possible by the ultra syncretic writings of H. P. Blavatsky (HPB) and by her Theosophical Society founded in New York in 1875.

This panel will look at the ways the esoteric teachings of H. P. Blavatsky have been adapted by the numerous groups belonging to the occult-metaphysical and therapeutic tradition. Are these groups vibrant, dormant, or declining? Who are their members? How do they relate to the outside world: Do they successfully transform their individual quest into the betterment of mankind and nature (which was the design of Theosophy)? One of our purposes will be to delineate the impact of H. P. Blavatsky’s teachings not only on the religious and spiritual stage, but also on American culture and society at large.

Proposals should be sent to Bernadette Rigal-Cellard by December 15, 2012.

7. Religion et sécularisation dans la vie juive américaine
Nadia Malinovich (Université de Picardie-Jules Verne)

Au début du XIXe siècle, les Juifs du monde occidental vécurent des bouleversements démographiques et sociologiques radicaux – le plus important étant l’urbanisation –, ce qui les rendit particulièrement réceptifs aux forces d’attraction de la sécularisation. Cela fut particulièrement vrai aux États-Unis, où les Juifs, quittant pour la plupart des communautés rurales d’Europe centrale et de l’Est eurent soudain l’occasion d’abandonner l’étau strict de la vie traditionnelle pour refaire leur vie en tant qu’Américains. Et pourtant, alors qu’ils se libéraient des contraintes passées, ils s’aperçurent que la frontière entre le religieux et le séculier n’était pas si facile à définir : est-ce parce que l’on est un Juif séculier que l’on doit refuser de célébrer les fêtes juives ou de familiariser ses enfants avec la Bible hébraïque ? Les pratiques religieuses doivent-elles être réinterprétées dans le cadre de l’héritage culturel du peuple juif et donc être toujours suivies ? Alors que certains militants séculiers des premiers temps de l’immigration de masse adoptèrent la première approche, il apparut à beaucoup d’autres que cette approche conduisait à une assimilation totale et reflétait un dénigrement de la culture des Juifs et de leur histoire.

Une série d’articles publiés entre 1938 et 1940 par le Workman’s Circle – l’une des associations socialistes et séculiers les plus influentes au début de XXe – prônaient fortement la seconde approche. Défendant l’enseignement biblique dans les écoles séculières yiddish, par exemple, l’auteur d’un article avança ainsi que « La Bible est une œuvre littéraire, pas simplement un objet religieux […] Nous ne devrions pas la rejeter, en avoir peur, ni même l’abandonner ; nous devrions plutôt l’utiliser dans un cadre séculier ». L’argument d’un autre auteur était qu’il valait mieux séculariser plutôt que rejeter la pratique des fêtes juives, en notant que « la religion juive n’est pas simplement une religion. Elle est intrinsèquement liée à l’histoire juive. Les fêtes elles-mêmes sont un produit de notre existence dans le temps ».

La plupart des Juifs américains – au contraire de ces militants séculiers – ne se posaient pas ces questions d’un point de vue intellectuel, mais y furent plutôt confrontés dans leur vie quotidienne. Des questions telles que « faut-il ou non rechercher en priorité un conjoint juif ? », ou « faut-il ou non donner à ses enfants une éducation religieuse, rejoindre une synagogue, ne pas travailler pendant Yom Kippur, etc. ? » furent autant de rencontres entre les Juifs et la modernité. La plupart du temps, elles ne conduisirent pas à des décisions rationnelles, mais plutôt à des décisions prises pour des raisons pratiques ou personnelles qui dépendaient aussi du milieu (allemand ou polonais, ashkénaze ou sépharade, etc.) ainsi que de l’époque.

Cet atelier entend examiner les tensions entre sécularisation, culture et religion dans la vie juive américaine de la période coloniale à nos jours. Comment les Juifs ont-ils interprété, adapté et transformé leur héritage religieux et culturel aux États-Unis ? Les intervenants pourront considérer, par exemple, les transferts entre l’ancien et le nouveau monde, l’attitude des mouvements politiques et culturels variés (bundisme, sionisme, etc.) par rapport à l’héritage juif religieux, la diversité des pratiques religieuses chez les Juifs aux États-Unis, ainsi que la comparaison entre les pratiques et les croyances des Juifs et ceux des autres Américains.
Les propositions de communication doivent être envoyées à Nadia Malinovich avant le 15 décembre 2012.

Religion and Secularization in American Jewish Life
Nadia Malinovich (Université de Picardie-Jules Verne)

Beginning in the early nineteenth century, Jews in the Western World underwent radical demographic and sociological changes—most notably, becoming an overwhelmingly urban population—that made them particularly susceptible to the transformative force of secularization. Nowhere was this truer than in the United States, where Jews arriving for the most part from rural, traditional communities in central and Eastern Europe met with unprecedented opportunities to leave behind the strictures of religious practice and remake themselves as Americans. And yet, even as they left behind the strictures of traditional practice and belief, they found that the boundary between the religious and the secular was not so easy to define. Does being a secular Jew mean refusing to observe the holidays and familiarize one’s children with the stories of the Hebrew bible? Or should these practices rather be reinterpreted as the cultural heritage of the Jewish people and embraced as such? While some early secularist militants adapted the former approach, its dangers were also immediately apparent to many as a license for total assimilation and a lack of appreciation of the evident intertwining of Jewish “religion” with Jewish culture and history. A series of articles published between 1938 and 1940 by the Workman’s Circle—one of the most influential associations of socialist, secular Jews in the early twentieth century—defended the second position in no uncertain terms. Defending the teaching of the bible in Yiddish secular schools, for example, one contributor argued that “The Bible is literature, not religion . . . We should not reject it, not be afraid of it, and not abandon it, but should use it in a secular way.” Another contributor similarly defended secularizing, rather than rejecting, the practice of Jewish holidays, noting that: “The Jewish religion is not just religion. It is bound up with Jewish history. The holidays themselves are a product of our existence in time.”

Most American Jews—unlike these secular militants—have not pondered these questions from a theoretical framework, but rather confronted them on a practical level in their day-to-day lives. Choices such as whether or not to prioritize finding a Jewish partner, to give one’s children a religious education, to join a synagogue, to take off from work on Yom Kippur, are all ongoing and evolving products of the Jewish encounter with modernity. More often than not, they are not intellectual decisions, but rather emotional and practical outcomes of one’s personal history, ethnic background (Ashkenazi or Sephardic, German or Eastern European, etc) and place in time.

This panel will look at these tensions between the secular, the cultural, and the religious in American Jewish life from the Colonial era through to the present day. How have Jews interpreted, adapted, and transformed their cultural and religious heritage in the United States? Participants might consider, for example, religious and cultural transfers between the “old worlds” and the “new,” the relationship of various Jewish political and cultural movements (Bundism, Zionism, etc.) to the Jewish religious heritage, comparisons between Jewish religious practice and that of other Americans, as well as the diversity of religious practices among Jews in the United States.

Proposals should be sent to Nadia Malinovich by December 15, 2012.

8. Les tribulations de la droite chrétienne
Aurélie Godet (Université Michel de Montaigne Bordeaux 3) et Jean-Baptiste Velut (Université Paris-Est Marne-la-Vallée)

Depuis les années 1970, la droite religieuse a joué un rôle moteur dans la révolution conservatrice, qui avait commencé comme une révolte contre les mouvements de réforme des années 1960 avant de devenir une offensive tous-azimuts contre le gouvernement fédéral américain. De la Moral Majority de Paul Weyrich en 1980 aux défenseurs de l’interdiction des mariages homosexuels par amendement constitutionnel en 2004, la Nouvelle Droite Chrétienne a assuré un soutien électoral crucial à un parti plus souvent animé par sa ferveur dérégulatrice que par sa foi religieuse. Sous la bannière du Parti républicain, les conservateurs religieux et les partisans du libre marché ont formé un tandem étrange. Les organisations religieuses ont en effet apporté leur soutien politique à des causes parfois bien éloignées des valeurs familiales et de la responsabilité morale qu’elles défendaient, comme la suppression de l’impôt sur les successions dit « death tax ». Les « guerres culturelles » ont longtemps éclipsé la lutte des classes, ce qui a amené certains analystes à se demander « Pourquoi les pauvres votent à droite ? » (“What’s the matter with Kansas?”). Et si l’Amérique était profondément polarisée, c’était bien souvent les conservateurs qui remportaient les batailles et s’efforçaient de démanteler l’héritage politique de la Great Society, avant de s’attaquer aux fondements du New Deal.

L’élection de Barack Obama en 2008 a mis fin au rêve d’une « majorité républicaine permanente » que les conservateurs avaient caressé. Bien que les démocrates aient obtenu un large soutien auprès des électeurs jeunes et urbains, des femmes, des minorités ethniques et des « nones » (ces Américains qui revendiquent une forme de spiritualité sans adhérer à une religion et dont le nombre ne cesse de croître), les politistes se sont bien gardés de parler de « réalignement électoral » étant données les circonstances exceptionnelles de l’élection de 2008. Récemment, la réélection de Barack Obama a toutefois confirmé que cette nouvelle majorité « amorale » pouvait faire figure de contrepouvoir face à la coalition conservatrice. Comment expliquer le déclin apparent de la droite chrétienne ? S’agit-il de la conclusion d’un long processus de sécularisation ou d’un échec accidentel ? Les excès de la droite religieuse ont-ils conduit le mouvement conservateur à sa perte ? Dans quelle mesure a-t-elle changé ou en quoi s’est-elle montrée incapable de s’adapter aux transformations culturelles des Etats-Unis ? Certaines évolutions de la coalition conservatrice permettaient-elles d’augurer de ce déclin ? Ou semblaient-elles au contraire lui promettre un avenir meilleur?

Notre atelier invite toute analyse empirique et théorique visant à répondre à ces questions ou à d’autres problématiques connexes. Nous faisons appel à des contributions sur les évolutions contemporaines de la coalition chrétienne, notamment son rôle dans les récentes élections, sa relation avec les milieux d’affaires, le Parti républicain et le mouvement « Tea Party », ses stratégies de mobilisation, ses dynamiques internes et ses positions idéologiques, sur l’émergence de la gauche religieuse, ou sur tout autre sujet lié au présent et à l’avenir de la coalition chrétienne.

Les propositions de communication sont à envoyer à Aurélie Godet et à Jean-Baptiste Velut.

The travails of the Christian Right
Aurélie Godet (Université Michel de Montaigne Bordeaux 3) and Jean-Baptiste Velut (Université Paris-Est Marne-la-Vallée)

Since the 1970s, the religious right has been a driving force of the conservative revolution, which began as a backlash against the reform movements of the 1960s to become a wide-ranging assault against the US federal government. From Paul Weyrich’s Moral Majority in 1980 to advocates of constitutional amendments banning gay marriage in 2004, the New Christian Right provided crucial constituencies to a party that often seemed driven more by deregulatory fervor than religious faith. Under the banner of the Republican Party, religious and economic conservatives made strange bedfellows. Indeed, religious organizations lent their political support to causes that sometimes went far beyond moral responsibility and family values like the repeal of the “death tax.” Culture wars long trumped class conflicts, leading some commentators to wonder “What’s the matter with Kansas?” If America remained profoundly polarized, conservatives carried the day and strove to repeal the political legacies of the Great Society, before attacking the foundations of the New Deal.

The election of Barack Obama in 2008 put an end to conservatives’ dreams of a “permanent Republican majority.” Although Democrats received broad support from young and urban voters, women and ethnic minorities, and the growing ranks of “nones” (Americans who define themselves as spiritual rather than religious), political analysts were cautious not to speak of an electoral realignment given the exceptional political circumstances of the 2008 election. The recent reelection of Barack Obama has, however, confirmed the status of this new “amoral” majority as a credible counterbalance to the conservative coalition. What explains the apparent decline of the Christian Right? Is it the culmination of a long-term process of secularization or an accidental setback? Has the religious right overplayed its hand and sunk the conservative boat? To what extent has the religious right changed or failed to adapt to America’s cultural transformations? Did recent developments in the conservative coalition augur this decline? Or did they seem to indicate otherwise?

Our panel welcomes both theoretical and empirical contributions addressing these and other related questions. We invite contributions focusing on contemporary developments in the Christian coalition, including its role in recent elections, its relationship with the business community, the GOP or the Tea Party, its mobilizing tactics, internal dynamics and ideological positions, the rise of the religious left, as well as other issues related to the present and the future of the Christian coalition.

Paper proposals must be sent to Aurélie Godet and Jean-Baptiste Velut by December 15, 2012.

9. Des « nouvelles religions » aux contours flous de la spiritualité : quelle place pour la notion de « sectes » aux États-Unis ?
Amandine Barb (Sciences Po Paris) et Elizabeth Levy (Université Paris-Diderot)

Alors que le 3 septembre 2012, les grands quotidiens français évoquaient tous la « secte » Moon à l’occasion de la mort de son fondateur, Sun Myung Moon, les journaux Américains adoptaient une approche plus nuancée. En effet, si tous rappelaient les nombreuses controverses liées à l’Église de l’unification, le terme « cult », à connotation péjorative et considéré comme l’équivalent en anglais du mot français « secte », apparaissait dans les articles du New York Times et du Los Angeles Times mais était absent, par exemple, de celui du Washington Times. Plus largement, on pouvait noter de la part des media américains un important recours à des termes généraux tels qu’ « Église », ou encore « nouvelle religion » et « nouveau mouvement religieux », introuvables dans la majorité des articles français. Plus qu’une simple différence de vocabulaire, la couverture médiatique de cet événement des deux côtés de l´Atlantique est révélatrice d’une différence de perception à l´égard de ce que les Français désignent comme des « sectes », et invite donc à s’intéresser de plus près au statut et aux modalités d’existence de ces dernières aux États-Unis.

Définies par Max Weber comme des groupements volontaires d´individus en rupture avec la société et les institutions religieuses traditionnelles, les sectes ont un statut à la fois complexe et singulier dans le contexte américain. En premier lieu, les États-Unis, en partie fondés sur les notions de tolérance et de pluralisme religieux, sont un terreau propice au renouveau religieux et à l’apparition de courants inédits permettant à chacun d’adopter une religion qualifiée de « sur mesure » par Françoise Champion. Les années 1970 et 1980 ont ainsi été marquées par l’apparition d’un grand nombre de courants religieux alternatifs tels que les Ehard Seminars Training, Heaven’s Gate ou encore les Jews for Jesus. D’autre part, le premier amendement de la Constitution, qui stipule que « le Congrès ne pourra faire aucune loi concernant l’établissement d’une religion ou interdisant son exercice » garantit au peuple américain une liberté de conscience totale et permet aux organisations religieuses, ou du moins se revendiquant comme telles, de se prémunir contre une trop grande intervention de l’État. Ainsi, au contraire de plusieurs gouvernements européens, la justice américaine, de même que l´Internal Revenue Service, considèrent officiellement la scientologie comme une religion à part entière, protégée par la clause de libre-exercice du premier amendement au même titre que d´autres dénominations plus anciennes. Au début des années 2000, la question des sectes avait été jusqu´à provoquer une querelle diplomatique entre Washington et Paris, le Département d´État et plusieurs Sénateurs et Représentants américains ayant publiquement condamné l´attitude « autoritaire » de la France à l´encontre de certains groupes religieux, notamment les Témoins de Jéhovah, « arbitrairement » placés sur la liste des « mouvements sectaires sous surveillance » par le gouvernement français.

En dépit, néanmoins, de cette apparente bienveillance sociale et politique à leur égard, les sectes représentent également aux États-Unis, comme dans d´autres démocraties occidentales, un problème public indéniable depuis maintenant plusieurs décennies : les initiatives visant à « déprogrammer » des adeptes, l´assaut contre la secte des Davidiens de Waco au Texas en 1993, qui s´est soldé par la mort de soixante-seize personnes, les fréquentes controverses liées à la scientologie ces dernières années et les inquiétudes à l´égard des arrières grands-parents mormons et polygames de Mitt Romney, reflètent notamment la réalité problématique de groupes considérés comme religieux mais aussi comme extrêmement marginaux dans la société américaine contemporaine.

Résolument pluridisciplinaire, cet atelier vise donc à réfléchir à l’existence, au statut et aux perceptions des sectes aux États-Unis en essayant d’identifier, à l’aide d´approches théoriques et méthodologiques diverses, les limites floues et brouillées qui peuvent exister entre ces dernières et les « nouveaux mouvements religieux ». On pourra ainsi privilégier des approches 1/ historiques : pour montrer, par exemple, comment l´étiquette de « cult » a pu être imposée à certains groupes afin de les discréditer et de les marginaliser ou comment, à l’inverse, un courant religieux jugé suspect et sectaire peut finalement être accepté ; 2/juridique : pour évoquer, par exemple, la manière dont l´appartenance à une religion « à la marge » peut-être utilisée contre une personne dans le cadre d’un divorce et d’une bataille pour la garde d’un enfant, ou bien s’intéresser à la manière dont l´État américain tente aujourd´hui de lutter contre les groupes « à risque » dans le cadre autorisé par le premier amendement ; 3/sociologique : les communications pourront s´interroger sur l´attitude de mouvements sectaires spécifiques à l´ égard de la société américaine contemporaine; sur leurs représentations dans les médias et la culture populaire ; sur les formes et la portée des mobilisations anti-sectes aux États-Unis, etc.

Les propositions de communications sont à envoyer, avant le 15 décembre 2012, à Amandine Barb et à Elizabeth Levy.

From “New Religions” to the Blurry Edges of Spirituality: Where do “Cults” Fit in the American Religious Landscape?
Amandine Barb (Sciences Po Paris) et Elizabeth Levy (Université Paris-Diderot)

French and American journalists adopted a variety of approaches on September 3, 2012, when the death of Sun Myung Moon, the founder of the Church of Unification, made worldwide headlines. While the French press unanimously dubbed Moon’s creation a “secte”—which is a very pejorative word best translated into English by the word “cult”—the American press had some dissenting voices. Indeed, even though most American articles covered the numerous controversies surrounding the Church of Unification, newspapers such as the New York Times and the Los Angeles Times used the word “cult,” while others, such as the Washington Times did not. In fact, after careful examination, it appeared that the American media also used a variety of terms such as “Church,” “new religion” or “new religious movements” that were nowhere to be found in most French newspapers. This discrepancy is not only symptomatic of a difference of vocabulary—it is, in fact, very much emblematic of a cultural divide on the matter of classifying and assessing self-proclaimed religious groups. Thus, it seems worthwhile to devote a workshop to “cults” in America in order to establish what they are and what they are perceived to be in the United States nowadays.

“Sectes”, or “cults” were defined by Max Weber as voluntary groupings of individuals who wanted to separate themselves from traditional religious institutions and societies. The American experiment, however, makes up for a specific setting that renders their status particularly complex and interesting. First and foremost, religious tolerance and pluralism, at the core of the foundation of the United States, have created a fertile environment for religious revivals to break out and new religious movements to prosper—so much so, in fact, that Françoise Champion spoke of “tailor made” religions. Indeed, during the 1970s and the 1980s, a great number of alternative religious movements such as the Ehard Seminars Training, Heaven’s Gate or Jews for Jesus, to name only a few, were founded. Secondly, the First Amendment to the American Constitution states that “Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof,” thus granting liberty of conscience to Americans and prohibiting the government from unreasonable entanglement with religious or self-proclaimed religious groups. Thus, contrary to a number of European governments, both the American judiciary and the IRS deem the Church of Scientology to be a “church”—and not a “cult”—protected by the “free exercise clause” of the First Amendment just like any other older denomination. At the beginning of the 2000s, the cult problem even triggered a diplomatic disagreement between Paris and Washington, when the Department of State and several Congressmen publicly condemned France´s “authoritarian” attitude towards some religious groups, including the Jehovah´s Witnesses, “arbitrarily” placed on a list of “cultish movements to monitor” by the French government.

Even though cults seem to benefit from general social and political benevolence in the United States, they have also been, as in many other Western democracies, a major public issue for at least the past decade. The attempts made at “deprogramming” followers, the FBI intervention against the Davidians of Waco, TX, in 1993, which resulted in the death of 76 people, the frequent controversies stirred up by the church of Scientology as well as the concerns raised over Mitt Romney´s polygamous, Mormon great-grandparents, are revealing of the problematic reality of groups considered to be religions, but also extremely marginal and not very well-known in contemporary American society.

This workshop aims to reflect upon the existence, the status and the perceptions of cults in the United States in an interdisciplinary manner. Using various theoretical and methodological approaches, participants will seek to better identify the blurry and ambiguous boundaries that separate “cults” and “new religious movements” in the American context. Diverse perspectives are welcome: 1/historical: to understand, for instance, how the “cult” label was imposed on some groups in order to discredit and further marginalize them, or, on the contrary, how religious movements considered “cultish” at first eventually managed to improve their image and fit better within American society; 2/juridical: papers could explore how an individual´s belonging to a marginal religious group is sometimes used against them in divorce or child custody cases; how the government tries to fight against abusive and dangerous religious movements without encroaching on the First Amendment; 3/sociological: presentations could focus on specific cults and on their connections with the broader American society, analyze their representations in popular culture (TV, movies, literature, etc), or even focus on the anti-cult movement.

Paper proposals should be sent by December 15, 2012 to Amandine Barb and Elizabeth Levy.

10. Religion, spiritualité et politisation des sexualités
Guillaume Marche (Université Paris-Est Créteil/IMAGER)

Il est beaucoup question aux États-Unis, depuis les années 1980 en particulier, de la politisation de la religion et de la sexualité, et notamment des intrusions de la droite chrétienne dans les débats sur la libération sexuelle, les droits reproductifs ou la reconnaissance de l’homosexualité. L’influence des religions sur la politisation des sexualités n’est cependant ni spécifique des chrétiens conservateurs, ni de la fin du XXe et du début du XXIe siècles. Les organisations religieuses s’invitent aux débats sur la réglementation des pratiques sexuelles depuis les origines des États-Unis, que ce soit durant la période coloniale, où pouvoirs politique et religieux étaient souvent à peine dissociés, mais aussi à des époques où l’imbrication du politique et du religieux était moins directe, comme par exemple lors de la période réformiste de la fin du XIXe siècle. Il serait de même simpliste d’affirmer que religion et spiritualité ont toujours constitué en matière sexuelle un facteur de conservatisme, voire de régression, comme le montrent par exemple les positions libérales du théologien Reinhold Niebuhr sur le contrôle des naissances. Depuis la fin du XXe siècle, de surcroît, nombre de courants spirituels alternatifs conçoivent des formes d’épanouissement sexuel les plus éloignées du modèle traditionnel – hétérosexuel et monogame – comme une voie authentique et adéquate d’accès à la transcendance. Ces courants se réclament parfois, en outre, de pratiques païennes ou chamaniques héritées des religions amérindiennes ou, plus généralement, de traditions spirituelles non occidentales.

De même que les questions de morale sexuelle sont fréquemment présentées comme des filtres tactiques interdisant un débat sur les « vraies » questions politiques – à savoir les problèmes socioéconomiques, comme si les deux types d’enjeux étaient entièrement disjoints – on peut se demander si l’élément religieux ou spirituel fait à son tour écran aux « vraies » questions sexuelles que sont, par exemple, le libre accès des femmes à la contraception et à l’avortement, ou la reconnaissance des droits des personnes LGBT. La question se pose, par exemple, à propos du débat au sein de diverses Églises, épiscopalienne en particulier, sur l’ordination de prêtres et d’évêques ouvertement homosexuels : cette question masque-t-elle les enjeux d’égalité des droits tels qu’ils se posent effectivement à l’ensemble des personnes LGBT, qu’elles soient ou non épiscopaliennes, chrétiennes, ou même fidèles de quelque religion que ce soit ? Ou bien ce débat dans le champ religieux est-il l’occasion de convoquer des considérations spirituelles susceptibles de faire avancer cette cause dans l’ensemble de la société ? En clair, la spiritualité peut-elle en matière de politisation des sexualités ce que la seule raison politique ne saurait accomplir ? Autrement dit, la place des religions dans les débats sur les sexualités soulève des questions importantes relatives notamment au rôle des émotions dans les mouvements sociaux. A contrario, en effet, faut-il considérer les positions conservatrices motivées par la religion comme l’expression d’une forme d’irrationalité, ou au contraire comme des stratégies fortement empreintes de rationalité politique ?

La question des sexualités nous permet-elle donc de distinguer l’influence politique des religions organisées de celle de spiritualités ou de sentiments religieux plus individualisés, voire diffus ? Il y a là un angle d’approche qui nous amène à nous interroger sur la manière dont s’articulent les formes (organisationnelles et stratégiques) et le sens de l’action politique : dans quelle mesure le rapport entre religion, spiritualité et politisation des sexualités montre-t-il, par la transcendance, la pertinence politique des enjeux symboliques ? Le recours à la religion est-il nécessairement un retrait hors du politique signalant que les usages ordinaires de la politique ne remplissent plus leur office, ou bien la spiritualité montre-t-elle que les seuls intérêts instrumentaux ne peuvent suffire à rendre compte du sens politique ? Comment faut-il interpréter le mélange de mimétisme et de concurrence qui caractérise le rapport entre conservatisme religieux et progressisme ou radicalisme sexuel ?

Ces enjeux pourront être traités à l’aide de l’histoire, de la sociologie ou de la science politique, à travers des exemples tirés d’époques diverses – de la période précoloniale à l’actualité la plus récente – et ne se limitant pas au christianisme, ni même aux trois monothéismes ou aux religions organisées.

Les propositions de communication sont à envoyer d’ici au 15 décembre 2012 à Guillaume Marche.

Religion, Spirituality, and the Politicization of Sexualities
Guillaume Marche (Université Paris-Est Créteil/IMAGER)

The politicization of religion and sexuality has been an important issue in the United States, especially since the 1980s and the religious Right’s intrusion into debates on sexual liberation, reproductive rights, and the recognition of homosexuality. The politicization of sexualities, however, is not exclusive to Christian conservatives, or to the late twentieth and early twenty first centuries. Religious organizations have held public stances on the regulation of sexual practices ever since the origins of the United States—for example during the colonial period, when there was often hardly any separation between the political and religious authorities, but also at times when the link between politics and religion was less direct, such as the late nineteenth century. It would also be inaccurate to consider that religion and spirituality have always had a conservative or regressive influence on opinions about sexuality, as shown by theologian Reinhold Niebuhr’s liberal views on birth control. Additionally, since the end of the twentieth century, several alternative spiritual movements have regarded the pursuit of non-traditional—non-heterosexual, non-monogamous—sexual fulfillment as an authentic and appropriate path to transcendence. Some of these movements are inspired from pagan or shamanic practices borrowed from Native American religions, and more generally from non-Western spiritual traditions.

Raising sexual morality as a political issue is often seen as a tactic meant to avoid the discussion of “real” political questions—namely socioeconomic issues, as though the two were totally unrelated; likewise, does raising religious or spiritual questions about sexuality preclude the discussion of “real” sexual questions, such as women’s access to abortion and contraception, or the recognition of LGBT rights? For example, various churches, Episcopal in particular, are divided on the issue of the ordination of homosexual priests and bishops: does this draw public attention away from issues of equal rights for LGBT people, whether they are Episcopalians, Christians, or religious at all? Or is this religious debate an opportunity to advance the cause of LGBT rights in society as a whole? In other words, can spirituality help frame the politicization of sexuality in ways that a political rationale alone cannot achieve? The part played by religious organizations in public debates on sexuality thus raises important issues related to the role of emotions in social movements. On the contrary, should religiously motivated moral conservatism be regarded as a form of irrationality, or as a highly rational form of political strategy?

We should therefore wonder whether sexuality related issues help us distinguish between the political influence of organized religions and that of more individualized, sometimes even less explicitly religious forms of spirituality. This question is an opportunity to look into the interactions between the form (both organizational and strategic) and meaning of political action: Does the transcendence involved in the relationship between religion, spirituality, and the politicization of sexualities point to the political importance of symbolical issues? Does resorting to religion signify a rejection or a reinterpretation of politics? In other words, have the traditional usages of politics become irrelevant, or does spirituality suggest that purely instrumental goals alone cannot assume the totality of political meaning? How should we interpret the mixture of mimicry and competition that characterizes the relationship between religious conservatism and sexual progressivism or radicalism?

These questions may be addressed through the lens of history, sociology, or political science. Case studies may be taken from various historical periods—from pre-colonial times to the present—and need not be limited to Christianity, or to the three monotheistic faiths, or even to organized religions.

Paper submissions should be sent to Guillaume Marche by December 15, 2012.

11. Religion et mouvements contestataires
Donna Kesselman (Université Paris-Est Créteil/IMAGER) et Ambre Ivol (Sorbonne Nouvelle-Paris 3)

Dans quelle mesure faut-il combiner le fait religieux et la pratique contestataire aux États-Unis? Là où la religion semble correspondre à une forme d’hégémonie idéologique sur les valeurs du progrès social, n’est-il pas logique de considérer qu’en rivalisant avec les principes de la démocratie, ce sont précisément les courants du socialisme historique qui ont été marginalisés définitivement ? Under God ne rivalise t-il pas avec e pluribus unum ? Selon cette lecture, le postulat d’une autorité suprême garantissant l’équilibre social représenterait la culture dominante dans un pays ayant pourtant institutionnalisé la doctrine de la séparation.
Les interprétations quant au potentiel subversif du fait religieux ont jalonné l’histoire américaine. Karl Marx notait combien la « religiosité » nord-américaine l’étonnait pour ses qualités de « fraîcheur » et de « vigoureuse vitalité ». Ce dynamisme était dû, selon Tocqueville également, à l’absence d’Eglise officielle. Une telle structuration de l’espace public (à la fois spirituel et politique) permettait donc une vitalité intellectuelle qui reposait sur un questionnement constant de l’orthodoxie.

Engels y voyait cependant aussi une tendance au sectarisme idéologique, conséquence inévitable selon lui du phénomène de scission et de concurrence entre groupes religieux issus du protestantisme (S.M. Lipset et G.Marks, 2000, It Didn’t Happen Here : Why Socialism Failed in the United States, 34). Le premier critère d’un mouvement social selon les « répertoires » de Charles Tilly consacre la présence indispensable de l’Eglise et des religieux comme garant de la valeur ou « honorabilité » (worthiness ; C. Tilly, 2004, Social Mouvements : 1768-2004).

Une telle hétérogénéité dans le champ religieux s’est combinée à un ancrage ethnique, culturel et linguistique extrêmement diversifié. Etait-ce là le signe d’une société « ouverte » qui allait représenter un obstacle majeur et durable au développement de la conscience de classe? Dans quelle mesure de telles tendances se sont-elles confirmées sur le temps long de l’histoire américaine ?

L’histoire particulière de l’oppression aux Etats-Unis et les présupposés éthiques de toute contestation face à l’injustice sociale supposeraient que d’une part, le clergé ait été partie prenante – voire à l’initiative – de mouvements sociaux et, d’autre part, que la grammaire de la justice sociale ait puisé dans le lexique religieux. En ce sens, outre les résonances explicites avec l’argumentation marxiste soulignant le caractère ambivalent de la religion (comme « opium du peuple » ou « soupir de l’opprimé »), un tel constat s’appuie sur les déclinaisons historiques de la contestation américaine : les mouvements syndicaliste, féministe, antiraciste et antiguerre ont tous affiché, voire revendiqué leur(s) sensibilité(s) religieuse(s) comme prisme(s) permettant de formuler des revendications visant le progrès social.

La notion de justice sociale ou de moralité (fairness) n’a-t-elle pas été conçue et déclinée par des Églises progressistes aux États-Unis, mues par une réflexion à la fois théorique (égalité, fraternité, solidarité, humanisme) et pratique (désobéissance civile, campagnes de mobilisations de masse, insistance sur les minorités agissantes ou démonstration par l’exemple) ? D’innombrables figures historiques incarnent ces luttes et ces discours.

A ce sujet, les contre-exemples trouveront toute leur place : la question éthique n’a en effet pas été le monopole des seuls mouvements progressistes. Pour le dire autrement, la question religieuse a pu se décliner également selon un lexique de mobilisation conservateur. Ainsi, la prise en compte de l’hétérogénéité idéologique du fait religieux deviendrait alors pertinente à toute étude sur la contestation politique et sociale.

En somme, il s’agira d’étudier le potentiel mobilisateur que représente le religieux. Quelles limites demeurent, pour qui – contestation progressiste ou conservatrice – et pourquoi?

Les propositions de communications sont à adresser avant le 15 décembre 2012, à [Donna Kesselman>donna.kesselman@u-pec.fr] et à Ambre Ivol.

Religion and Protest Movements
Donna Kesselman (Université Paris-Est Créteil/IMAGER) et Ambre Ivol (Sorbonne Nouvelle-Paris 3)

To what extent is there a correlation between religion and social protest in the United States? Insofar as religion functions as a form of ideological hegemony encompassing the values of social progress, is it not logical to consider that, by competing with the principles of democracy, currents of historical socialism have been definitely marginalized? Does “Under God” thus not supersede “e pluribus unum”? The postulate of a supreme authority guaranteeing social equilibrium thereby supposedly represents the dominant culture in a country having nevertheless institutionalized the doctrine of separation.

Interpretations pertaining to the subversive character of religion can be found throughout US history. Karl Marx emphasized how impressive North American “religiosity” appeared, due to its “freshness” and “vigorous vitality.” Such dynamism was due, according to Tocqueville as well, to the absence of any official Church. Such a specific mode of organization of public space (both spiritually and politically) allowed for an intellectual vitality which was based on the constant questioning of orthodoxy.

Engels, however, also noted a tendency toward sectarianism, which he saw as an inevitable consequence of division and competition among religious groups originating in Protestantism (S.M. Lipset & G.Marks, 2000, It Didn’t Happen Here: Why Socialism Failed in the United States, 34). Charles Tilly points to the indispensable presence of the Church and religious leaders within the first criterion of his social movement “repertoires” (WUNC), as guardians of “worthiness” (C. Tilly, 2004, Social Mouvements: 1768-2004).

Such heterogeneity in the religious field came to be combined with deep-going ethnic, cultural and linguistic diversity. Was this the sign of an “open” society soon to be erected as a major and durable obstacle to the development of class-consciousness and class-based political organization in this country? To what extent were such trends confirmed over the long run of American history?

The particular history of oppression in the United States and the ethical underpinnings of protest against social injustice assume, on the one hand, that clergy has been part and parcel even at the initiative—of social movements and on the other, that the grammar of social justice was inspired by religious doctrine. In this sense, aside from explicit resonance with Marxist themes emphasizing the ambivalence of religion (as the “opium of the people” or the “sigh of the oppressed”), this observation derives from historical experience of protest in the United States: labor, feminist, antiracist and antiwar movements all expressed some form of religiosity or even outwardly claimed religion as a privileged prism allowing them to advance demands in terms of social progress.

Have the notions of social justice or fairness, not been coined or enhanced upon by progressive Churches in the United States, moved by both theoretical contemplation (equality, fraternity, solidarity, humanism) and practice (civil disobedience, mass mobilization campaigns, insistence on agitating minorities our demonstrations, for example)? Innumerable historical figures illustrate these struggles and rhetoric.

Counter-examples are also noteworthy: progressive movements can claim no monopoly over campaigns bearing the banner of ethics. Conservative mobilizations have also written history with quotations from the religious lexicon. So an overall view of religiosity’s ideological heterogeneousness is of import to all inquiries regarding social and political protest in the United States.

Special focus, then, will be placed upon the potential for mobilization by and through the religious. Also, are there limits to this mobilizing force, if so for whom—conservative or progressive protest—and why?

Proposals should be sent by December 15, 2012, to [Donna Kesselman>donna.kesselman@u-pec.fr] et à Ambre Ivol.

12. La religion dans l’ordre international
Jean-Marie Ruiz (Université de Savoie)

Renouveau spirituel dans les sociétés anciennement communistes, désormais intégrée à la « communauté internationale » ; essor et rôle du fondamentalisme religieux dans la propagation du terrorisme international et intérieur comme dans l’opposition entre l’Orient et l’Occident ; centralité du conflit israélo-palestinien et de l’opposition entre sunnisme et shiisme dans les conflits endémiques qui secouent et semblent en passe de remodeler la carte politique du Moyen-Orient ; rôle parfois évident de certains courants religieux dans la formulation de la politique étrangère de la plus grande puissance mondiale : le temps où l’on pouvait appliquer la notion webérienne de « désenchantement du monde » aux relations internationales semble loin, et ce qui frappe désormais dans l’actualité internationale contemporaine est au contraire l’omniprésence du facteur religieux. Qu’il s’agisse de conflits interétatiques, intra-étatiques (on pense notamment à l’ex-Yougoslavie) ou encore interculturels (comme le suggère le « choc des civilisations » de Samuel Huntington), l’imbrication de l’ethno-religieux et du politique semble caractériser le nouvel ordre — ou désordre — international depuis la fin de la Guerre froide et illustrer la résurgence de ce que certains théoriciens appelaient déjà le « nouveau Moyen Âge » dans les années 1990. Àces tendances longues à l’œuvre depuis au moins la fin de la Guerre froide, se sont ajoutés les attentats de septembre 2001, qui ont donné au prisme religieux une nouvelle importance dans l’analyse des conflits internationaux et accrédité l’idée que la modernité internationale s’apparente davantage à une résurgence qu’à une sortie du religieux.

Dans la perspective américaniste qui est la nôtre, l’analyse de ce phénomène pourrait être menée selon les axes suivants (par ailleurs non-limitatifs) :
a. La place de la religion dans la définition de la politique étrangère américaine. Outre l’influence notoire du lobby pro-israélien, des évangéliques conservateurs ou plus généralement du christianisme anglo-saxon, il est possible de se demander dans quelle mesure la liberté de religion est ou a été un objectif de politique étrangère des Etats-Unis, en particulier depuis la Freedom From Religious Persecution Act de 1998.
b. Les relations diplomatiques entre Etats-Unis et le Vatican, et l’utilisation de ces relations par les Etats-Unis dans la résolution des conflits ou/et dans la réalisation d’objectifs de politique étrangère.
c. La place de la religion dans les théories américains des relations internationales. En effet, il est possible de s’interroger sur la prise en compte du facteur religieux dans les principaux paradigmes (réalisme, libéralisme, constructivisme…) ou encore dans la vision du monde des écoles de politique étrangère, telle que le néo-conservatisme.
d. Les relations des Etats-Unis avec le monde musulman. Cette question est évidemment centrale depuis 9/11, et par conséquent dans la politique des présidents Bush fils et de son successeur. Le positionnement d’Obama est particulièrement intéressant : le président américain s’est en effet fixé comme tâche de redorer le blason des Etats-Unis dans le monde arabe, mais il a été aussi confronté au « printemps arabe ». Il semble donc pertinent de s’interroger sur l’existence, ou non, d’une politique spécifique, voire cohérente, envers le monde musulman depuis son arrivée au pouvoir.

Les propositions de communications sont à adresser avant le 15 décembre 2012, à Jean-Marie Ruiz.

Religion and International Relations
Jean-Marie Ruiz (Université de Savoie)

Spiritual revivals in the former communist countries now reunited with the “international community”; the rising role of religious fundamentalism in the spreading domestic and international terrorism, as well as in the East/West divide; the significance of the Israeli-Palestinian conflict and of the opposition between Schiism and Sunnism in the endemic conflicts currently transforming the Middle East; the obvious influence of some religious views in the definition of the world’s most powerful country—all these developments seem to suggest that what Weber called the “disenchantment of the world” is irrelevant to understanding contemporary international relations. In contrast, what is striking is the ubiquity of religion. Whether between or within states (as in former Yugoslavia), if not between “cultures” (as suggested by Samuel Huntington’s “clash of civilizations”), the overlapping of the ethno-religious and political seems to have defined the international order since the end of the Cold War, as if to illustrate what some, in the 1990’s, called “the new Middle Ages.” Then 9/11 strengthened the role of the religious factor in the studies of international relations and further supported the idea that, when it comes to international conflicts, it is the revival of religion rather than its decline that defines modernity.

The role of religion in international relations may be analyzed through:
a. The role of religion in the definition of US foreign policy. In addition to the notorious pro-Israeli, evangelical or Christian Anglo-Saxon lobbies, it may asked to what extent religious freedom is or has been a goal of US foreign policymakers, particularly since the 1998 Freedom From Religious Persecution Act.
b. Diplomatic relations between the US and the Vatican, and the use of these relations by the US to solve conflicts or/and to meet foreign policy aims.
c. The role of religion in theories of international relations—for example realism, liberalism, constructivism—or foreign policy schools of thought, such as neo-conservatism.
d. Relations of the US with the Muslim world, which have been central since 9/11 and have been prominent in the policies of George W. Bush and his successor. Obama’s policy is particularly interesting because of his determination to improve the image of the US in Arab countries, but also because he had to deal with the Arab spring and its upheavals—hence, the importance of assessing Obama’s policy toward the Muslim world, in order to determine both its consistency and peculiarity.

Paper proposals should be sent, by December 15, 2012, to Jean-Marie Ruiz.

13. L’Amérique est-elle sortie de l’âge théologique ?
Sabine Remanofsky et Gilles Christoph (ENS Lyon)

Depuis le « Dieu est mort » de Nietzsche et la mise en équation par Max Weber de l’entrée dans la modernité avec la sortie de la religion, les historiens et les sociologues des religions débattent l’hypothèse du désenchantement – ou, plus récemment, du réenchantement – du monde. Cependant, par-delà le déclin ou le retour du religieux, se pose une autre question, non moins fondamentale pour la compréhension de la modernité occidentale : celle de l’emprise de la transcendance, forme la plus éminemment religieuse du rapport au monde, sur les modes de raisonnement des sociétés dites sécularisées.

Marcel Gauchet tout comme Dany-Robert Dufour ont souligné la propension anthropologique des hommes à croire et l’irrépressible besoin de transcendance qui ne cesse de s’actualiser dans l’histoire sous différentes manifestations. « La forme religieuse n’a plus le pouvoir de définir l’ensemble ; et cependant, elle demeure le seul patron sur lequel concevoir l’ensemble » (La condition historique, 2003) estime ainsi Gauchet, tandis que, pour Dufour, « nous ne [sommes] pas prêts de pouvoir vivre enfin sans dieu(x) puisque chaque fois que nous en mettons un à mort, c’est pour en aimer un autre » (Le divin marché, 2007).

Ainsi les économistes classiques britanniques ont-ils substitué au Dieu providentiel des économistes physiocrates français la main invisible du marché comme garant de l’harmonie économique et sociale. De même, le passage de la monarchie de droit divin à la démocratie fondée sur le suffrage universel installe-t-il la volonté du peuple (médiée par le chef du gouvernement) en lieu et place de celle de Dieu (médiée par le souverain). On pourrait multiplier à souhait les exemples des transcendances sur lesquelles sont fondés les différents champs sociaux : la nation, en sus du peuple, pour le champ politique, la loi pour le champ juridique, la vérité pour le champ scientifique, la beauté pour le champ artistique, etc.

Première puissance économique, plus ancienne démocratie, « laboratoire scientifique » du monde, foyer de la culture populaire, l’Amérique semble être un terrain d’étude privilégié pour interroger la capacité de la religion à informer notre rapport au monde puisqu’elle présente le paradoxe – en apparence tout du moins – d’une culture intensément religieuse conjuguée à des institutions fermement laïques. Cet atelier appelle par conséquent des études de cas destinées à établir si les différentes sphères qui composent la société américaine, qu’il s’agisse de la sphère économique, politique, juridique, scientifique ou culturelle, sont véritablement sorties de l’« âge théologique » (au sens large, c’est-à-dire non-comtien, du terme). Pourront constituer autant de propositions de communication, entre autres, la mobilisation du marché et de ses propriétés autorégulatrices dans les discours économiques, le recours à la volonté du peuple ou à l’intérêt national dans les discours politiques, le renvoi à l’esprit de la loi dans les discours juridiques ou bien encore les débats autour de la notion de vérité dans les « guerres culturelles » qui agitent la société américaine depuis les années 1980.

Merci d’adresser vos propositions de communication à Gilles Christoph et Sabine Remanofsky.

Leaving or Living the Theological Age?
Sabine Remanofsky et Gilles Christoph (ENS Lyon)

Ever since Nietzsche proclaimed that “God is dead” and Max Weber equated the beginning of modernity with the end of religion, historians and sociologists have been debating the hypothesis of the disenchantment—and, more recently, of the reenchantment—of the world. However, beyond the question of the decline or return of the religious lies another question, just as fundamental to the understanding of western modernity: that of the hold of transcendence, the most eminently religious form of relating to the world, on the thought processes of so-called secularized societies.

Both Marcel Gauchet and Dany-Robert Dufour have underscored man’s anthropological inclination to believe and the irrepressible need for transcendence, which keeps actualizing itself in history under various manifestations. Gauchet writes that although “the religious form no longer has the power to define the whole, it remains the only blueprint for conceiving the whole” (La condition historique, 2003), while Dufour is of the opinion that “we are not ready to live without god(s), since we put one to death only to love another” (Le divin marché, 2007).

The British classical economists thus substituted the invisible hand of the market for the providential god of the French physiocrats as a guarantee of social and economic harmony. Similarly, the transition from monarchy by divine right to a democracy founded on universal suffrage puts the will of the people (mediated by the head of government), instead of God’s will (mediated by the sovereign), at the center of the political system. Many other examples of transcendence underlying diverse social fields could be given: the nation, in addition to the people, in the political field, the law in the legal field, the truth in the scientific field and beauty in the artistic field.

As the world’s first economic power, the oldest democracy, the “scientific laboratory” of the world and the home of popular culture, the United States seem a privileged testing ground to ponder the capacity of religion to inform our relationship to the world since America presents the seeming paradox of an intensely religious culture combined with firmly secular institutions. This workshop calls for case studies which could help establish whether the various spheres (economic, political, legal, scientific or cultural) which make up American society, have left the “theological age,” in the widest—i.e. non-Comtian—sense of the word. Possible topics could include, but are not restricted to, the use of the market and its self-regulating properties in economic discourses, the recourse to the “will of the people” or to the “national interest” in political discourses, the use of the spirit of the law in legal discourses, or, finally the debates surrounding the notion of truth in the “culture wars” which have agitated American society since the 1980s.

Proposals should be sent to Gilles Christoph and Sabine Remanofsky.

14. Héritage spiritual, empreinte du religieux dans les littératures « minoritaires »
Paule Levy et Ada Savin (Université de Versailles Saint-Quentin

L’Amérique se construit dès le départ sur le religieux. La Terre Promise rêvée par les Pères Pèlerins devra pourtant se laisser habiter, pénétrer par d’autres imaginaires, d’autres formes de spiritualité, d’autres conceptions du sacré, les unes judéo-chrétiennes, d’autres issues d’horizons éloignés, qui s’imbriqueront de façons très diverses avec l’héritage puritain.

Cet atelier se propose d’étudier la dynamique des transferts culturels et religieux tels qu’ils se manifestent dans la fiction et les récits autobiographiques des « minorités » aux États-Unis du XIXe au XXIe siècle.

Au travers de quelles thématiques, de quelles stratégies rhétoriques ou poétiques le religieux marque-t-il de son empreinte la dialectique de l’ici et de l’ailleurs, de la rupture et de la continuité, du particularisme et de l’universalisme propres à ces écritures ? De quelle façon est-il susceptible de se faire le vecteur de revendications identitaires ou politiques ?

On se penchera par exemple sur la place faite à la Bible dans l’écriture noire américaine ou juive américaine, sur les formes que revêt le catholicisme imprégné des croyances aztèques dans l’écriture hispanique, sur les tentatives de réappropriation symbolique de la Terre Perdue qui se traduisent dans la littérature amérindienne. De quelle façon le postmodernisme se joue-t-il par la suite des croyances et des rites, mais surtout des étiquettes et des dogmes, les renvoyant dos-à-dos pour en faire surgir des alliages incongrus, des configurations inédites et ironiques ? Réalisme magique, empreintes et emprunts, éclatement, distorsion ou dissémination des grands récits ou mythes d’origine, seront autant de moyens de faire coexister le séculier et le religieux, le même et l’autre, l’individuel et le collectif, le poids du passé et l’adhésion, fût-elle réticente, à la modernité américaine.

Les suggestions ci-dessus ne sont pas exclusives. Cet atelier est, bien entendu, ouvert à des études portant sur d’autres écritures « minoritaires » s’inscrivant dans cette problématique.

Les propositions de communications sont à envoyer, avant le 15 décembre 2012, à Ada Savin et à Paule Levy

Spiritual Heritage, the Imprint of the Religious in “Minority” Writings
Paule Levy et Ada Savin (Université de Versailles Saint-Quentin)

America has constructed itself from its beginning upon the religious. The Promised Land dreamt of by the Pilgrim Fathers is nonetheless inhabited by other imaginations, other forms of spirituality, other conceptions of the sacred, some of which are Judeo-Christian, while others come from distant horizons, which interpenetrate the Puritan heritage in diverse ways.

This workshop intends to study the dynamic of cultural and religious transfers as they manifest themselves in fiction and autobiographical narratives of American “minorities” from the nineteenth to the twenty-first centuries.

What are the themes and the rhetorical or poetic strategies that are at work in the dialectic of the “here” and the “elsewhere,” and in the dialectic of rupture and continuity, of particularity and universality in these writings? In what ways does this dialectic prove to be the vector of identity and political claims?

One might consider for example the place accorded the Bible in Black and Jewish American writing, the forms of Catholicism imbued with Aztec beliefs in Hispanic writing, the attempts to symbolically re-appropriate the Lost Earth as it manifests itself in American Indian writing. In what ways does postmodernism make use of beliefs and rituals, and above all of labels and dogmas, juxtaposing them in order to form strange alliances, surprising and ironic configurations? Magical realism, imprints, borrowings, breaks, distortions and dissemination of the Grand Narratives and myths of origin, are so many ways of making the secular and the religious, the same and the other, the individual and the collective, the past and the present, co-exist.

The above suggestions are not exclusive. The workshop is open to studies dealing with other “minority” writings from this approach.

Propositions should be sent, by December 15, 2012, to Ada Savin et à Paule Levy

15. « The Standard of Language as well as of Faith » : la Bible dans la poésie américaine du XIXe siècle
Éric Athenot (Université de Tours)

L’essor de la poésie américaine au XIXe siècle coïncide avec de profonds changements dans la pratique religieuse. Le second Grand Réveil, qui s’étend sur les quatre premières décennies, se répand à travers le pays au moment où apparaissent de nouvelles traductions de la Bible, situation qui favorisa dans la jeune République une nouvelle approche des Ecritures, de leur message spirituel et de leur langage. La critique textuelle importée d’Allemagne par les tenants de la haute critique, écorne de façon considérable le statut canonique de la Bible du roi Jacques, phénomène renforcé par un intérêt grandissant porté au discours scientifique véhiculé par les pseudo-sciences comme par les sciences véritables. Le phénomène s’accroît avec la médiatisation croissante des philosophies d’origine allemande, orientale puis autochtone, le tout rendu possible à travers le pays par la prolifération d’ateliers d’imprimerie. Paradoxalement, ce contexte n’empêcha pas le Livre, dans quelque version que ce fût, de conserver son statut d’exception parmi les textes imprimés et lus en Amérique au cours du XIXe siècle. Le Dictionnaire américain de la langue anglaise, publié en 1844 par Noah Webster et dont Whitman et Dickinson parmi tant d’autres possédaient un exemplaire, en offre cette définition saisissante : « The Book, by way of eminence; the sacred volume, in which are contained the revelations of God, the principles of Christian faith, and the rules of practice. It consists of two parts, called the Old and New Testaments. The Bible should be the standard of language as well as of faith ».

L’année suivante vit la définition par O’ Sullivan de la destinée manifeste de la nation américaine, tandis qu’une poignée d’écrivains s’employaient à appeler de leurs vœux, quand ils ne la pratiquaient pas eux-mêmes, une littérature de caractère véritablement autochtone. La Bible, ses cadences jacobéennes et son omniprésence dans les foyers du pays, fournit la métaphore de choix servant précisément à désigner le niveau d’excellence artistique et spirituelle propre à s’imprimer durablement dans le cœur et dans l’esprit des citoyens américains. Nombreux sont les écrivains de l’époque à la citer comme étalon-or de la création littéraire. Emerson, par exemple, dans l’essai conclusif de Representative Men (1850), qui s’intitule « Goethe; or, the Writer », établit un lien spirituel entre la Bible et une écriture prélapsaire qui puiserait directement dans l’expérience américaine : « We too must write Bibles, to unite again the heavens and the earthly world. The secret of genius is to suffer no fiction to exist for us; to realize all that we know; in the high refinement of modern life, in arts, in sciences, in books, in men, to exact good faith, reality and a purpose; and first, last, midst and without end, to honor every truth by use ». Whitman, non content de publier en 1855 « le grand psaume de la république », devait dès l’année suivante, projeter d’écrire rien que moins que « la nouvelle Bible américaine », allant jusqu’à organiser dans cet esprit les éditions successives de Leaves of Grass. Dickinson, quant à elle, portait sur cette attitude un regard empreint d’ironie, et n’hésitait aucunement, dans un poème tardif, à définir la Bible comme « volume antique / Ecrit pas des hommes fanés » pour rêver au « sermon d’Orphée » qui « captivait / [et] ne condamnait pas– ».

Le présent atelier se propose d’étudier l’utilisation faite de la Bible au fil du XIXe siècle par les poètes américains (dans leurs essais, leurs poèmes, leurs conférences, etc.) comme réservoir à tropes mais également comme texte majeur à travers lequel exprimer leurs ambitions poétiques et/ou celles qu’ils projetaient sur leur pays. Il pourrait être intéressant, par exemple, de voir comment la Bible fournit un signifiant de choix à des créateurs engagés dans une réflexion sur leur entreprise poétique. On pourrait également essayer d’envisager le rôle majeur joué par la Bible dans les stratégies déployées par les poètes du XIXe siècle pour surmonter la perception d’une influence européenne écrasante dans leurs tentatives, pour paraphraser un autre poème de Dickinson, de prendre leur pouvoir en main. Une autre possibilité pourrait être l’étude du langage biblique dans les poèmes prophétiques à visées politiques/nationales/démocratiques. On pourrait également, au terme d’une liste non exhaustive, se pencher sur le rôle que joue la Bible dans les poèmes du XIXe siècle pour contrer, amoindrir ou subvertir la rhétorique puritaine dans le but, comme le disait Whitman, de « décorrompre » le pays.

Les propositions de 200 mots sont à envoyer à : Eric Athenot avant le 15 décembre 2012.

“The Standard of Language as well as of Faith”: The Bible in Nineteenth-Century American Poetry
Éric Athenot (Université de Tours)

The development of American poetry in the nineteenth century coincided with sweeping changes in the practice of religion. The Second Great Awakening, spanning the first four decades of the century, combined with the publication of new translations of the Bible, brought about in the young republic a novel approach to the Scriptures, their spiritual message, and their language. Textual criticism imported from Germany by practitioners of Higher Criticism gradually made the King James lose much though not all of its canonical status just as an interest in sciences—pseudo and real—, and philosophy—German, Eastern, then gradually home-grown—spread among the population through proliferating printing workshops. The Good Book, in those circumstances and in whatever version it was read, managed nonetheless to confirm its prominence as prime reading material. Noah Webster’s 1844 American Dictionary of the American Language—owned, among countless others, by both Dickinson and Whitman—defined it as “The Book, by way of eminence; the sacred volume, in which are contained the revelations of God, the principles of Christian faith, and the rules of practice. It consists of two parts, called the Old and New Testaments. The Bible should be the standard of language as well as of faith.”

Just one year later, as O’Sullivan outlined the country’s Manifest Destiny, many writers were busy calling for—and some of them intent on manufacturing—a home-bred American literature. The Bible, its Jacobean lilt, and its omnipresence in American households, became the systematic metaphor for exactly the type of literary excellence most likely to leave an indelible imprint on the minds and hearts of US citizens. Writers appealed to the Bible as the gold standard in literary creation. Emerson, for example, concluded the last essay of his Representative Men—“Goethe; or, the Writer”—, by driving home the metaphorical link between the Good Book and the necessary act of writing a book based on a first-hand experience of American life: “We too must write Bibles, to unite again the heavens and the earthly world. The secret of genius is to suffer no fiction to exist for us; to realize all that we know; in the high refinement of modern life, in arts, in sciences, in books, in men, to exact good faith, reality and a purpose; and first, last, midst and without end, to honor every truth by use.” Whitman, not content to have published “the great psalm of the Republic”, gradually set his sights on writing no less than “the new American Bible,” and started to organize his later editions of Leaves of Grass accordingly. Dickinson, for her part, was more ironic about such an attitude, declaring the Bible “an antique volume / Written by faded Men,” and expressing nostalgia for “Orpheu’s [sic] sermon” because it “captivated / it did not condemn—“

It might be of interest, therefore, to study the way American poets of the nineteenth century used the Bible in their writings—essays, poems, letters, lectures, etc.—not so much as a provider of tropes but as the major text through which they could express their own poetic ambitions and/or those they deemed right for their country. One may, among many other possibilities not mentioned here, approach the Bible as a self-referential signifier figuring these poets’ creations. The Bible may also be studied as the prime text through which some of these poets tried to overcome what they perceived as a crippling European influence on their endeavors—to echo Dickinson—to take their power in their hand. One approach could also investigate the role played by biblical language in poetic political/national/democratic prophecizing. Another way of looking at the whole issue might finally be to examine the Bible in nineteenth-century poems as acting as a defense against Puritan rhetorics, in their efforts, to echo Whitman, to “discorrupt” the US.

Abstracts of 200 words should be sent to Eric Athenot by December 15, 2012.

16. La religion et son autre de Dickinson à Ginsberg
Amélie Ducroux et Axel Nesme (Université Lyon 2)

Remettre en question la pertinence de l’association modernité/sécularisation en tant que présupposé critique implique de rechercher ce qui échappe au processus de sécularisation dans l’écriture poétique. Les poètes américains de Dickinson à Ginsberg reconnaissent et acceptent en grande part la mort de Dieu et le désenchantement qui en découle. Mais leur poésie, en tant que telle, pourrait bien être le lieu même du questionnement métaphysique.

Il convient alors de se demander ce qui résiste à la sécularisation dans la poésie américaine moderne et ce qui fait du genre poétique un genre particulièrement propice à l’accueil d’une telle résistance ou insistance.

Si, depuis la proclamation nietzschéenne de la mort de Dieu, la question de la religion a peu à peu été reléguée en marge des grandes préoccupations philosophiques, l’intuition d’une forme de transcendance, « La Dent / Qui ronge l’âme » (Dickinson 373) ne cesse d’enjoindre aux poètes américains d’explorer ces zones du questionnement métaphysique que la philosophie et le discours rationnel ont désormais désertées. En effet, dans la mesure où l’écriture implique toujours le postulat d’un grand Autre et dans la mesure où la poésie est une mise en scène de l’écriture elle-même, genre poétique et questionnement théologique pourraient bien se révéler étroitement liés, voire indissociables, indépendamment de l’acceptation ou du rejet de l’existence de Dieu comme point de départ de ce questionnement.

De l’adoption, par Poe, d’un mode visionnaire délesté de sa référence au divin, à l’affirmation whitmanienne selon laquelle « mourir est chose différente de ce que supposait quiconque, et plus heureuse » et à celle de Lowell, « le Seigneur survit à l’arc-en-ciel de Sa volonté », la poésie américaine s’est peu à peu éloignée de l’expression d’une vision, d’une appréhension du divin impliquant une projection, un mouvement vers l’extérieur, pour se rapprocher d’une dynamique de révision dans laquelle le divin, ou le spirituel, ou leur autre, ne sont plus « là-bas » mais « ici même », c’est-à-dire dans l’écriture. Mais un tel déplacement ne les rend pas pour autant plus faciles à circonscrire.

L’autonomie de l’œuvre d’art est aussi l’autonomie proclamée du poète qui n’attend plus la révélation divine, un messie ou un « Christ » qui « expliquera chaque angoisse une à une/ Dans la belle école du ciel » (Dickinson 215).

C’est à elle-même que l’écriture doit adresser question ou réponse dans l’acte même qui la désigne comme fondement de ce dont elle ne saurait rendre compte. La religion ne lie plus désormais le sujet à l’autre divin, mais au langage en tant qu’autre symbolique.
Nombreux sont les poètes qui expriment foi et fidélité envers l’écriture telle que celle-ci devrait advenir, une écriture ouverte à l’imprévisible et s’efforçant de soustraire la grammaire à tout dogmatisme. Se consacrer tout entier à la langue et à l’écriture peut ainsi passer pour une forme d’amour absolu et désintéressé. « Écrire comme on doit écrire c’est servir Dieu en écrivain car on ne gagne rien », écrit Gertrude Stein (Lectures in America, Writings 1932-1946). Le signifiant lui-même a-t-il détrôné Dieu comme objet de vénération? Ses « voies »ne sont-elles d’ailleurs pas tout aussi « impénétrables » ? Dès lors, le lieu du mystère n’est plus ce que la langue est supposée signifier, mais le médium signifiant. La croyance en la langue en tant qu’autre inassignable et tout-puissant a-t-elle engendré une nouvelle forme de mysticisme à laquelle nombre de poètes modernes participent, aux États-Unis ?

Loin de nier l’influence des textes sacrés, les poètes modernes ont souvent recours à l’anaphore et à la répétition, dans le but de créer de nouvelles formes d’incantations qu’à eux-mêmes ils s’adressent. On songe par exemple à la déclaration de sainteté universelle d’Allen Ginsberg dans Footnote to Howl, ou à Hymmnn, où l’acte performatif de la bénédiction donne au monde son relief, en marque chaque objet, chaque habitant, fussent-ils les plus repoussants (« Saintes les cafétérias qu’emplissent les millions! ») ou les plus terrifiants (« Bénie soit la mort! »). La notion de sécularisation est-elle encore pertinente ici, ou conviendrait-il de parler d’un déplacement du pouvoir spirituel ? Compte tenu de l’influence durable qu’exerce le paradigme religieux et/ou mystique sur des œuvres aussi diverses que celles de Robert Duncan, James Merrill, ou Kenneth Rexroth, n’est-il pas légitime de voir dans la volonté de produire des langages de l’indicible une des tendances majeures des poétiques du précédent demi-siècle ?

Merci d’adresser vos propositions à Amélie Ducroux et Axel Nesme avant le 15 décembre 2012.

Religion and its Other from Dickinson to Ginsberg
Amélie Ducroux and Axel Nesme (Université Lyon 2)

Questioning the association of modernity with secularization as a secure foothold for criticism implies searching for what escapes the process of secularization in poetic writing. American poets from Dickinson to Ginsberg largely acknowledge and accept the death of God and the disenchantment this entails. But their poetry, qua poetry, may remain the very place for metaphysical questioning.

We need to ask ourselves what resists secularization in modern American poetry, and why of all literary genres poetry is particularly apt to welcome such resistance or insistence.
While since Nietzsche’s proclamation of the death of God the place of religious questioning within philosophical investigation has become increasingly marginal, the intimation of transcendence, “the Tooth / That nibbles at the soul -” (Dickinson, 501) still motivates American poets to explore those areas of metaphysical inquiry now deserted by philosophy and rational discourse. Indeed, to the extent that writing always implies positing an absolute Other and that poetry is a dramatization of writing itself, it may be inseparable from theological questioning, whether or not the existence of God is accepted as a premise.

From Poe’s adoption of a visionary mode stripped of its reference to the divine to Whitman’s assertion that “to die is different from what anyone supposed, and luckier” and Lowell’s own “The Lord survives the rainbow of His will,” American poetry has moved from the expression of a vision, an apprehension of the divine implying a projection, an outward movement, to a dynamics of revision, in which the divine, or the spiritual, or their others, are no longer “out there” but “in there,” that is, in writing itself. Yet such displacement inside writing does not make it any more easily circumscribable.

The autonomy of the work of art is also the proclaimed autonomy of the poet who is no longer waiting for divine revelation, for a saviour or “Christ” who “will explain each separate anguish/ In the fair schoolroom of the sky” (Dickinson, 193). Writing has to turn to itself for an answer, or for a question, pointing to itself as the rationale for what it cannot account for. Religion no longer binds the subject to a divine other, but to language as the symbolic other.

Many poets express their faith in and faithfulness to writing as it should be, that is to say, writing which accepts the unpredictable and tries to salvage grammar from all forms of dogmatism. Dedication to language and writing can thus appear as a form of disinterested, absolute love: “If you write as you are to be writing then you are serving as a writer god because you are not earning anything,” Gertrude Stein writes (Lectures in America, Writings 1932-1946). Has the signifier itself superseded god as an object of worship? For it too “works in mysterious ways.” Mystery no longer lies in what language is supposedly meant to express, but in the medium itself. The belief in language as an untraceable, all-powerful other may have spawned a new form of mysticism in which many modern American poets may be said to partake.

Far from denying the influence of sacred texts, modern poets often resort to anaphora, repetitions, to create new forms of self-addressed incantations. We may think, for instance, of Allen Ginsberg’s declaration of universal holiness in Footnote to Howl or Hymmnn, in which blessing, as a speech act, may be a way to make the world salient, to mark all of its objects and inhabitants, even the most repellent (“Holy the cafeterias filled with the millions!”) or frightening (“Blessed be Death!”). Is the notion of secularization still relevant here, or should we rather talk of a displacement of spiritual power? Indeed, given the lasting influence of the religious and/or mystical paradigm on the works of such diverse poets as Robert Duncan, James Merrill, and Kenneth Rexroth, to name only a few, is it fair to view the effort to develop languages of the unsayable as one of the major trends in post-world war II poetics?

Please send proposals to Amélie Ducroux and Axel Nesme by December 15, 2012.

17. La transcendance sans Dieu : poésie et élan mystique
Hélène Aji (Université Paris Ouest Nanterre) et Clément Oudart (Université Toulouse 2 – Le Mirail)

Cet atelier vise à lire la poésie américaine au prisme de sa « lutte terrible avec ce vieux et méchant plumage, terrassé, heureusement, Dieu », selon les mots de Stéphane Mallarmé dans une lettre de 1867.

Discrète à ses débuts, la volonté de mettre en question la censure morale imposée au nom de Dieu devient une revendication affichée avec les avant-gardes du XXe siècle. Dans le sillage des révolutions nietzschéenne, freudienne, marxiste, au prix de contradictions, de prises de positions dogmatiques, peinant à articuler spiritualité et écriture, la poésie se cherche une transcendance sans Dieu.

N’est-ce pas principalement sur ce point que s’opposent Ezra Pound et T.S. Eliot, le mysticisme panthéiste du premier se démarquant radicalement de l’anglo-catholicisme du second ? A la même période, William Carlos Williams, puis les Objectivistes, semblent s’évertuer à dépouiller la poésie américaine de l’héritage puritain, qu’ils laissent volontiers à la poésie dite confessionnelle. N’est-ce pas aussi le lieu d’une tension entre Robert Duncan et Charles Olson dans les années cinquante (« Against Wisdom as Such ») ? Michael Palmer décrira plus tard le schisme de la poésie américaine entre le mysticisme d’une lignée issue de Duncan et la froideur analytique de la génération des Language Poets comme la « répression de l’Esprit, orné de cette lettre majuscule embarrassante et dérangeante». Ces conflits émanant de la place à donner au divin dans la poétique engendrent une véritable politique de la littérature.

Nous souhaitons susciter des communications qui s’interrogeront sur la constance de l’invective mallarméenne contre Dieu, mais aussi sur la pertinence persistante des réflexions de Walter Benjamin sur la langue adamique et la magie du verbe. On pourrait parler de la permanence d’une poétique du divin dans la poésie américaine jusqu’à nos jours, en s’attachant par exemple à reprendre la distinction meschonnicienne entre le sacré, le religieux et le divin (Un Coup de Bible dans la philosophie, 2004). Loin de la ritualisation de la vie sociale ou de la sacralisation du langage, « c’est le divin, comme puissance créatrice de vie séparée du sacré, qui ouvre l’infini de l’histoire, infiniment », et d’un même geste, l’infini de la poésie.

Les propositions de 300 mots sont à envoyer à Hélène Aji (Université Paris Ouest Nanterre) et à Clément Oudart (Université Toulouse 2–Le Mirail) avant le 15 décembre 2012.

Transcendence without God: Poetry and Mystical Aspiration
Hélène Aji (Université Paris Ouest Nanterre) et Clément Oudart (Université Toulouse 2 – Le Mirail)

In a letter from 1867, Stéphane Mallarmé writes that he has “waged a terrible fight, fortunately prevailing over the old, evil scarecrow—God.” This workshop aims at examining to what extent this tremendous battle has also been American poetry’s fight.

However low-key in its beginnings, the plan to question the censorship enforced in the name of God becomes an open strategy of the twentieth-century avant-gardes. In the wake of the Nietzschean, Freudian, and Marxist revolutions, despite the crippling contradictions and costly dogmatic statements arising from the difficulties of reconciling spirituality and writing, poetry keeps looking for transcendence without God.

Transcendence with or without God sparked the conflict between Ezra Pound’s pantheistic mysticism and T.S. Eliot’s Anglo-Catholicism. Meanwhile, William Carlos Williams, and the Objectivists after him, desperately tried to rid American poetry of its Puritan ancestry, relinquishing it willingly to the so-called Confessional poets. Isn’t this tension reenacted in the mid-1950s through the polemical exchange between Robert Duncan and Charles Olson (“Against Wisdom as Such”)? Later Michael Palmer describes the rift in American poetry as following the dividing line between the mysticism of Duncan and his followers and the analytical coldness of the Language Poets, accusing the latter of “repressing of the dimension of Spirit, with that troublesome, rebarbative capital letter.” It turns out that debates over poetics and the divine have generated a reconfiguration of the politics of literature.

We would like to encourage papers that interrogate the persistence of the Mallarmean rejection of God, as well as the enduring relevance of Walter Benjamin’s reflections on Adamic language and the power of the word. What stands out is the lastingness of a poetics of the divine in American poetry until today, especially when tackled through Henri Meschonnic’s distinction between the sacred, the religious and the divine (Un Coup de Bible dans la philosophie, 2004). Far beyond ritualized social living or sacralized language, “the divine is a life-giving force, separate from the sacred, which opens infinitely onto the infinite of history,” and onto the infinite of poetry.

Three-hundred-word proposals should be sent to Hélène Aji (Université Paris Ouest Nanterre) and Clément Oudart (Toulouse le Mirail) by December 15, 2012.

18. Fictions du religieux : le travail du sentiment dans la littérature américaine
Bruno Monfort (Université Lille 3) et Cécile Roudeau (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3)

Cet atelier souhaite explorer comment le sentiment religieux, tel qu’il est convoqué dans les textes « américains » depuis le XVIIe siècle, a participé à la fabrique de la communauté en faisant appel aux sens pour faire advenir le corps politique. Comme la critique récente a pu le montrer, le « pouvoir de la sympathie » informait le « modèle » prôné par John Winthrop et ses compagnons de route, venus en Amérique fonder leur colonie sur l’injonction biblique du « sentir avec » (Abram Van Engen, « Puritanism and the Power of Sympathy », Early American Literature, vol. 45, n° 3 [2010], p. 533-564). Tout à la fois doctrine tirée de la Bible (Hébreux 13 : 3 ; Pierre 3 : 8), devoir et signe d’élection, la sympathie, et les affects qui s’y rattachent – « fellowelike-feeling », selon la définition qu’en donne le Puritain Robert Cadrey dans l’un des premiers dictionnaires en langue anglaise (1604) – est donc aussi outil politique ; pulsion bénéfique de l’âme, passion autorisée chez l’homme (ou la femme) vertueux, elle donne à la « cité sur la colline » de devenir communauté autant que congrégation, et permet à la vieille et nouvelle Angleterre, malgré les fractures de la guerre civile, de s’imaginer un seul corps.

Le discours religieux, chrétien plus particulièrement, pourra donc être repensé comme une « esthétique politique » au sens où il donne forme à une communauté indexée sur le sentir plus encore que sur l’abstraction que serait l’État, ou la nation. On peut suivre cette tension – par delà la Révolution et la religion civique qu’elle tente d’établir en fondant le nouveau contrat social sur une réponse affective à la séparation d’avec la métropole (Peter Coviello, « Agonizing Affection: Affect and Nation in Early America », Early American Literature, vol. 37, n°3 [2002], p. 439-68) – jusqu’au sentimentalisme du milieu du XIXe siècle, venant répondre, lui, par une religiosité exacerbée à une autre menace de partition, une autre guerre civile, et au-delà encore, à chaque fois que la communauté fait face au spectre de la déliaison. Le sentiment religieux est de fait ravivé à chaque crise afin de panser des plaies que les préceptes même de la Chrétienté ont pourtant contribué à ouvrir. Car la « communauté affective », bâtie par delà les fractures sur les principes de charité, d’amour, de compassion chrétienne, ne laisse pas paradoxalement d’exclure ceux-là mêmes que l’on continue d’accuser d’une religiosité outrancière : les Africains Américains, les femmes. La rhétorique du lien sacré entre les membres d’une même nation, l’affiliation fondée sur le « comme » au mépris de la différence, se brise de fait contre la ligne de la couleur ou du genre, laissant affleurer le paradoxe d’une communalité de sentiment qui en vient à exclure autant qu’elle re-lie (religare) ; celui d’une religion devenue nationale dont on est contraint d’utiliser la langue et les codes pour en montrer les limites, voire en réformer à nouveau les principes.

La religion sera donc ici moins prise comme ensemble de doctrines, ou structure institutionnelle, que comme le lieu, commun, passé-présent « utile » (usable) que la littérature réinvestit, pour mieux le défaire parfois. La forme du religieux, ou plutôt le religieux comme forme, s’offre de fait à toutes les manipulations littéraires, à bien des relectures (relegere : l’autre étymologie possible de religion). On pense à la reprise du genre de la confession spirituelle par des esclaves libérés, qui, en mettant en oeuvre un nouveau pacte narratif, une nouvelle alliance entre lecteurs et voix auctoriale, prend acte d’une sensibilité commune entre races, et produit, dans et par l’écriture, un nouage affectif intempestif, et surtout impossible, sur la scène publique ; on pense aussi à la torsion du principe de bénévolence chrétienne transformée en force subversive et anti-patriarcale chez Susanna Rowson ou Hannah Webster Foster ; aux versions ironisées, illusoires ou satiriques, d’une geste puritaine devenue héritage paradoxal chez un Hawthorne ou un Crane ; aux liaisons fâcheuses – ou peut-être un peu trop opportunes – entre les vivants et les morts, qui donnent aux laissés-pour-compte de la démocratie américaine la citoyenneté utopique et le bonheur matériel que certaine politique s’obstine à leur refuser (Elizabeth Stuart Phelps)… Cet atelier tentera donc d’explorer comment la fiction américaine, d’Irving à Stowe, de Cooper à Twain, comme de Melville à James, convoque le sentiment religieux sur la scène d’écriture, nouant et dénouant la communauté affective de la nation, et jouissant à l’occasion de ses fissures.

Les propositions sont à envoyer à Bruno Monfort et Cécile Roudeau, avant le 15 décembre 2012.

Religious Fictions: The Political Work of Sentiment in American Literature
Bruno Monfort (Université Lille 3) and Cécile Roudeau (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3)

What if American literature were a religious fiction? This panel will explore to what extent religious affect, from the seventeenth century onward, has fashioned the body politic and the emerging communal voice, both performed and vehicled by literature. Recent scholarly work has shown how the “power of sympathy” shaped the Puritan “model” of Winthrop and his peers, and turned the congregation into an affective body the better to allow it to effect political changes (Van Engen). What was defined as “fellowelike feeling” (in Cadrey’s 1604 dictionary) was not just a Biblical command for the godly community, nor just a sign of election (Heb. 13. 3; Peter 3. 8); it was also a political tool and a binding compact capable of maintaining the integrity of the body politic and revitalizing transatlantic kinship in times of trouble.

Religious discourse, then, may be redefined as a political aesthetic, giving form to a community of affects, an alternative to building the common through abstractions such as the State, or the nation. This tension can be traced throughout American literature: from the Revolutionary era and the Founders’ attempt to establish a civic religion based on an affective response to the separation from England, to mid-nineteenth century sentimentalism, which found in the excess of religiousness yet another response to another civil war, that is, each time the community had to face the grim prospects of disunion. The political work of religious sentiment however was not only about healing wounds and making up for exclusions. The “affective community,” indexed as it was on the Christian precepts of love, charity and compassion, consistently favored an affiliation based on normative resemblance. The sacred bonds of the nation therefore proved conspicuously loose when it came to fitting the supposedly extravagant religiosity of women or African Americans in the communal web. To perform its office (religere: to bond), religious discourse had to be considered as a form to be reinvented, a fiction to be written anew.

More than a set of doctrines or an institution, religion here will be understood as a usable fiction open to the literary/political work of displacement, manipulation, and revision (relegere: to re-read). Examples abound: how the genre of the spiritual confession was revisited by former slaves, who devised a new compact between readers and the authorial voice, allowing for an untimely affective communality across the racial divide; how Christian benevolence was reworked as a subversive, anti-patriarchal weapon in the novels of Susanna Rowson or Hannah Webster Foster; how the Puritan epic, the nation’s paradoxical heritage, was warped and ironically customized by Hawthorne, Crane and others; how the throbs of spiritualist writings allowed for awkward alliances and untimely leveling transactions (Elizabeth Stuart Phelps), etc. This workshop will investigate how in American fiction the literary reclaims the religious as form, tying and untying communal affections better to reshuffle the authorized bonds of the political common.

Please send proposals to Bruno Monfort and Cécile Roudeau by December 15, 2012.

19. L’expérience de la crise spirituelle et la question des croyances (1897-1907)
Michel Imbert (Université Paris Diderot-Paris 7)

Dans The Will to Believe, paru en 1897, William James s’interroge sur le parti pris de croire, en réponse aux œuvres de Josiah Royce et à l’essai de Charles S Peirce, « The Fixation of Belief », paru vingt ans plus tôt. La question des croyances et de leur vérification n’y est plus envisagée d’un point de vue purement épistémologique mais, avant tout, comme une expérience empirique d’ordre psychologique ; non pas tant la quête tâtonnante d’une transcendance, mais surtout, une façon d’expérimenter sa puissance d’agir ici-bas. Les convictions religieuses donnent des raisons de croire en l’absence de preuve absolue. La foi a raison du doute qui lui est pourtant consubstantiel et les croyances se vérifient d’elles-mêmes, qu’elles soient vraies ou fausses, du seul fait qu’elles se traduisent en acte. Peu importe qu’elles soient sans fondement à l’origine, car c’est à l’aune de leur efficacité pratique, de leurs effets a posteriori et non d’une vérité a priori démontrable qu’il faut en mesurer la validité. La force de conviction, fût-elle un pur effet psychologique, n’est pas sans effet : elle fait foi et fait agir ; telle est son extraordinaire efficacité. William James poursuit cette réflexion sur la question des croyances dans Varieties of Religious Experience (1902). L’épreuve de la crise spirituelle traversée par Bunyan, George Fox ou Swendenborg y est observée de façon clinique comme le symptôme pathologique d’une mélancolie morbide : manifestement, leur foi s’enlevait sur un arrière fond de folie mais, à l’évidence, la révélation religieuse avait eu pour eux la vertu salutaire de redonner un sens à leur déchirement intérieur. Le chapitre VIII, « The Divided Mind », qui évoque la conversion de ces grands mystiques comme un rite de passage a inspiré Du Bois, son étudiant à Harvard, à plus d’un titre dans The Souls of Black Folk paru l’année suivante (1903) : Du Bois y décrit la conscience divisée de l’homme noir (« double-consciousness ») comme une sorte de cas-limite de dédoublement de personnalité. Mais l’essai a également des accents messianiques : le prisme déformant des préjugés qui dissimule le vrai visage des noirs peut se retourner en signe d’élection. Du Bois, tel Moïse transmettant les tables de la loi, le visage drapé d’un voile, prophétise la libération du peuple noir. À la même époque, Henry Adams, collègue et ami de William James à Harvard, exprime son désarroi face au chaos de l’histoire et, a contrario, il célèbre la force de conviction des croyants au Moyen Âge, encore capables de bâtir des cathédrales pour la gloire de Dieu. Comme Max Weber son contemporain, il met en lumière le caractère déterminant du facteur religieux dans l’histoire. Le culte marial est comparé à une force motrice et, inversement, la dynamo de l’Exposition Universelle de Paris est perçue comme l’équivalent moderne de la puissance génératrice. Paradoxalement, le darwinisme, loin d’être diamétralement opposé au dogme chrétien, est dépeint comme une religion de substitution dans la mesure où la loi de la sélection naturelle régule l’éventail des variations virtuellement infinies et réintroduit un semblant de finalité dans la création. Àl’ère de la relativité restreinte, c’est désormais au progrès technique que les consciences affolées vouent un culte quasi-superstitieux. La foi dans les forces-surnaturelles et son corollaire, la force de la foi, persistent envers et contre tout. En contrepoint de The Education of Henry Adams, Henry James, son ami, publie la même année un état des lieux de La scène américaine (1907) : l’Amérique contemporaine lui paraît non seulement désenchantée mais dé-spiritualisée : « The field of American life is as bare of the Church as a billiard table of a centre-piece ». Mais, simultanément, Henry James prend acte de la variété croissante des confessions au sein de la nation alors même qu’Abraham Cahan, qui lui servit de guide dans le New York des immigrés juifs venus de Russie, se fait l’interprète de leur détresse spirituelle et de leurs espérances à travers sa tribune A Bintel Brief et son roman Yekl. L’Amérique, sur plan religieux, est désormais, plus que jamais, « un univers pluraliste » et l’on sait à quel point l’essai de William James de 1909 devait inspirer le plaidoyer d’un Horace Kallen et d’un Alain Locke pour une nation multiculturelle sans crédo dominant, irréductiblement « plurielle » malgré le ciment de la religion civile. Signe des temps, Franz Boas enquête dès 1897 sur le chamanisme des Chinook et des Kwakiutl et milite contre l’anthropologie évolutionniste qui tend à réduire la variété des formes de vie religieuse à des schèmes invariants. Parallèlement, alors même que des lois sont promulguées pour endiguer le péril jaune, Lafcadio Hearn, prend ses distances, relate ses voyages en Asie, à la rencontre des religions extrême orientales (Gleanings in Buddha Fields, 1897). Le cheminement erratique de ce citoyen américain atypique qui finit par se convertir au bouddhisme zen, en dit long sur la désorientation spirituelle d’une Amérique en mal de mystique. Il y a entre ce marginal né et le cercle élargi du Metaphysical Club et de la SPR (Society for Psychical Research) comme un air de famille.

L’objectif de cet atelier sera de confronter des textes inclassables à la croisée du témoignage autobiographique, des récits de voyages, des méditations philosophiques et des sciences humaines expérimentales (la psychologie, la sociologie, l’histoire, l’anthropologie et l’ethnographie) qui ont pour trait commun de graviter autour du « fait religieux ».

Vos propositions de communication doivent être adressées à Michel Imbert avant le 15 décembre 2012.

The Experience of Spiritual Crisis and the Question of Belief (1897-1907)
Michel Imbert (Université Paris Diderot-Paris 7)

In The Will to Believe, published in 1907, William James pondered over the power of beliefs in response to the works of Josiah Royce and to Charles S. Peirce’s essay, “The Fixation of Belief,” published twenty years earlier. The question of the verification of assumptions was not raised solely from an epistemological vantage point since it involved, first and foremost, a psychological experience, that is to say experimenting empirically with one’s ability to act here below on the strength of one’s beliefs rather than looking, like mystics, for some otherworldly transcendence. William James argued that religious certitudes provided believers with reasonable grounds for taking action in the absence of any certainty. Faith precluded indwelling doubts in the face of insufficient evidence and beliefs were liable to prove self-fulfilling prophecies, whether they be founded or groundless, since they were bound to be performed or played out. That they should be basically true or not hardly mattered because they were to be appraised, above all, in terms of their practical impact. James was concerned with the forceful after-effects they generated rather than their foundation on truth in the first place. The will to believe, however self-deluded it might be, is not without effect. The issue of beliefs as fabulous fiction fulfilling a function was taken up in Varieties of Religious Experience (1902), in which William James set out to observe the psychopathological symptoms that betrayed the harrowing spiritual crisis undergone by Bunyan, George Fox or Swedenborg: obviously enough, their faith stemmed from a state of morbid melancholy bordering on lunacy and the experience of religious revelation that had the effect of curing them providentially; it enabled them to make sense of their inner split. Chapter VIII, “The Divided Mind,” which retraced their religious conversion as a rite of passage, was certainly influential on Du Bois’s Souls of Black Folk published a year later (1903): Du Bois, who was William James’s student at Harvard, described the double-consciousness that plagued the minds of black men and which threatened to drive them insane. But the essay was also fraught with messianic overtones: the dark veil of prejudice that shrouded the face of African-Americans could be turned inside out as a sign of divine election. Like Moses in the Bible who wore a veil while he revealed the Ten Commandments, Du Bois, officiating as a “twice-born” prophet, called for the liberation of his people. It was around 1904 that Henry Adams, who was William James’s colleague at Harvard, voiced his discontent in the face of modern chaos and extolled the faith of staunch believers in the Middle Ages that impelled them to raise cathedrals for the sake of God’s glory. Like Max Weber, Henry Adams underscored the determining factor of faith throughout history: the worship of the Holy Virgin was tantamount to a motive force and, conversely, the modern dynamo displayed at the Paris World Fair was fetishized on account of its generative power. Paradoxically enough, Darwinism, far from being diametrically opposed to Christianity, was viewed as a makeshift religion, in so far as the rule of natural selection regulated the free play of variations and restored a semblance of finality in creation. The engine and technological achievements in general came to be credited with a religious aura in the age of relativity. Faith in some supernatural power and, conversely, the superpower of faith still lived on. Parallel to The Education of Henry Adams, Henry James published a survey of The American Scene (1907), in which he depicted the disenchanted, almost de-spiritualized state of the Union: “The field of American life is as bare of the Church as a billiard table of a centre-piece.” But the travelogue also registered the increasing variety of denominations and creeds across the nation, particularly the impact of Jewish immigration in the Bowery, even as Abraham Cahan (who happened to be his guide in New York) spelled out the spiritual distress and the expectations of newly arrived Jews in his magazine Bintel Brief and his novel Yekl. True enough, the nation was, in William James’s words, “a pluralistic universe,” a concept coined in 1909 that paved the way for Horace Kallen’s and Alain Locke’s plea for a multicultural America in the next decade. Another tell tale sign of the times was Franz Boas’s survey on Shamanism among the Chinook and the Kwakiutl at the turn of the century, in which he advocated an alternative anthropology that would not reduce “the varieties of religious life” to a single pattern of evolution. Significantly enough, too, Lafcadio Hearn reported his journey into the Far East (Gleanings in Buddha Fields, 1897) while immigration laws against Asian aliens were implemented in order to ward off the Yellow Peril. The fact that Hearn went so far as converting to Buddhism was highly symptomatic of the prevailing state of spiritual disorientation and the longing for a makeshift mystique. There is more than a family likeness between a marginal like Lafcadio Hearn and the Metaphysical Club or the Society for Psychical Research.

The aim of this workshop is to compare unclassifiable texts at the crossroads of autobiographical testimonies, travelogues, philosophical meditations and such experimental sciences as psychology, sociology, history and ethnography, insofar as they each revolve around religious beliefs.

Please send your proposals to Michel Imbert by December 15, 2012.

20. Le spectral comme trace du religieux
Marc Amfreville (Université Paris 4 Sorbonne)

Dans sa représentation littéraire, le spectral s’affirme au XIXe siècle et par la suite, comme une « hantologie » pour reprendre le jeu de mots de Derrida entre hantise et ontologie. En d’autres termes, n’y aurait-il pas dans la représentation du spectre, du fantôme, de l’esprit – et il conviendra de s’attacher à différencier ces termes – une sur-vie, une vie par-delà la mort, mais aussi une forme supérieure d’existence, l’expression du besoin d’affirmer avant tout une victoire sur notre disparition programmée ? N’est-ce pas là l’essence même du religieux, du lien imaginaire ou réel, avec une transcendance possible et donc, une persistance du spirituel, une de ces formes de « désécularisation » auxquelles ce congrès nous invite à penser ?

La littérature américaine, héritière sans aucun doute en cela de sa mère anglaise, a su prolonger outre-Atlantique les ambiguïtés d’une poétique qui, entre fantôme et fantasme – dont l’étymologie commune, Longin et son traité sur le Sublime nous le rappellent, renvoie aux hallucinations de la folie et à celles de la création poétique – mêlait déjà dans la langue des origines les deux sens de spirit, mais aussi ceux de ghost (Holy ou non), sans parler de l’âme que l’on rend en anglais comme un fantôme (« give up the ghost »).

Le paradoxe de la matérialité/immatérialité du fantôme, revenant ou non, ange ou démon, demandait Hamlet, est tel que la littérature a su très tôt s’en emparer en Amérique pour donner à lire l’incertitude des perceptions, mais plus avant, un questionnement même sur la nature de l’homme, la place du divin, et la pérennité du spirituel. Qu’on se rappelle, comme une entrée en matière ‒ et en esprit ‒, la représentation de Moby Dick comme « one great hooded phantom » dès le premier chapitre intitulé « Loomings », en un mode déjà visionnaire de la revenance, où précisément Ishmael nous parle de son âme la plus secrète. Qu’on songe, par exemple et sans souci de chronologie puisque le fantôme a pour propriété de traverser le temps, aux véritables ectoplasmes d’Ambrose Bierce, aux traces de l’histoire dans les romances de Hawthorne ou les nouvelles de Charlotte Perkins Gilman, aux indécidables spectres de Brown, de Poe et de James, à la perception de l’imperceptible chez Emily Dickinson, aux fantômes si terriblement absents de Faulkner, aux possibles réincarnations qui traversent l’œuvre de Toni Morrison, aux esprits du passé qui se confondent avec les images de l’hallucination chez Stephen King et le gothique récent, sans oublier la poétique de la rémanence dans la fiction ultra-contemporaine…
La psychanalyse à son tour, dès les origines, a fait siennes des interrogations sur le retour d’un refoulé personnel, familial, voire ethnologique, auquel le fantôme, a su étonnamment donner corps. Là où pour Freud le revenant était avant tout la métaphore d’un retour du refoulé – pensons par exemple aux fantasmes du petit Hans présentés comme des « âmes en peine » -, le fantôme devient sous la plume d’Abraham et Torok une métaphore des histoires d’un passé que l’on porte en soi et qu’on fait vivre, par-delà la mort, contre la mort, de ceux qui nous les ont léguées. Là encore, cette perduration de l’histoire vient dire que l’esprit ne saurait mourir.
Le spectral a de toute évidence partie liée avec l’inconscient. Il signifie dans le même geste le possible et l’impossible de l’écriture, et exprime ainsi à la fois la faillite et la survivance de la transcendance. Cet atelier accueillera en priorité les projets de communication qui, dépassant le thématique, proposeront une réflexion sur la nature du spectral en tant que trace du religieux, une forme alternative et créatrice du spirituel.

Les propositions sont à envoyer à Marc Amfreville avant le 15 décembre 2012.

Spectrality/Spirituality
Marc Amfreville (Université Paris 4 Sorbonne)

In its literary representation, the spectral can be seen, from the early 19th century onward, in America, as a hauntology—to pick up Derrida’s famous play on the terms “haunting” and “ontology”). In other words, might we not discover, in the presence of spectres, ghosts, spirits—and these phenomena will have to be distinguished carefully—a form of survival, a life beyond death, indeed a superior mode of being (as suggested in the very noun sur-vival) as the expression of a need to assert a victory over our programmed dissolution? Isn’t the essence of the religious precisely such a link, fantasized or realized, with a possible transcendence and thus a perduration of the “spiritual”?

American literature, undoubtedly the offspring of its English forerunner in this respect, has managed to carry on and extend the richly ambiguous poetics that crosses the boundaries between phantom and phantasm (whose common etymology, as pointed out by Longinus in his treaty on the Sublime, underscores a kinship between the visions of delirium and poetic creation). One should note that in English, just as in many European languages, “spirit” encompasses the soul and the spectre, also calling forth the Holy Ghost, and summoning expressions like “give up the ghost.”

The paradoxical nature of the ghost, hovering as it were between materiality and absence, and striding such oppositions as those between the angelic and the demonic, the return of the dead and the imposition of mere fancy, has from early on (from Charles Brockden Brown onward) informed a questioning of the reliability of perception, and has thereby generated philosophical interrogations on the enduring powers of the spiritual and on the nature of man and God.
To get into the heart of the matter (pun intended), as regards the spirit, one may think of Moby-Dick, evoked in “Loomings” as “one great hooded phantom,” introducing haunting as a visionary form of recurring obsession in chapter 1, where Ishmael speaks of his “inmost soul.” But then, ghosts having a way of disrupting time patterns and chronology, and we could also think of Ambrose Bierce’s “real” ectoplasms, of the manifestations of history in Hawthorne’s romances and of Charlotte Perkins Gilman’s short stories, of Poe and James’s undecidable spectres, of the perception of the imperceptible in Emily Dickinson’s poems, of Faulkner’s so terribly absent ghosts, of doubtful reincarnations that pervade the pages of Toni Morrison’s novels, and of the mind-blowing images that question the very nature of hallucination in Stephen King’s fiction, not to mention the poetics of remanence in ultra contemporary fiction…

Psychoanalysis in its turn, from its very beginning, has explored the possibility of a return of the repressed—be it personal, familial, or phylogenetical, and used the spectre as a metaphor that gives shape to the unspeakable. It is worth pointing out for example that Freud describes little Hans’s fantasies as “erring souls,” and that this image thereafter took on particular relief in the works of Abraham and Torok, where the ghost becomes a representation of a phantom history, borne by the subject who sets him/herself the task of securing its survival beyond and against the death of his/her departed. Here too, the spectre simultaneously objectifies and dematerialises the life of our spirit.

The spectral, in short, is intimately linked to the representation of the unconscious. It jointly signifies the possibility and the impossibility of the very act of writing, and thus expresses both the failure and the persistence of transcendence.

This panel will primarily welcome proposals that set themselves the task of endeavouring to define the nature of the spectral as a trace of the religious, seen as an alternative and creative form of the spiritual.

Please send proposals to Marc Amfreville by December 15, 2012.

21. Religion et spiritualité à l’épreuve de la modernité
Denise Ginfray (Université Clermont 2) et Guillaume Tanguy (Université Montpellier 3)

Adossé à la tradition de la romance, et appelé à glisser vers le naturalisme, le réalisme social de W.D. Howells qui marque la fin du XIXe siècle littéraire américain est emblématique d’un pragmatisme démocratique tout entier tendu vers l’idéal du « Great American Novel ». À cela rien de surprenant : la foi dans le progrès scientifique, une conception instrumentale du langage pour lire et décrire le monde ont savamment façonné ce genre littéraire tout dévoué à la cause de la mimesis. Pour autant, le parti pris esthétique du Dean est plus complexe, habité qu’il est par le lien mystique qui doit idéalement concilier les contraintes économiques, une morale collective et l’engagement artistique. Edith Wharton elle aussi fut sensible à cette double éthique – sociale et fictionnelle – mais lorsqu’elle publie The House of Mirth en 1905, le monde est déjà en marche vers d’autres pratiques culturelles et sociales qui éloignent ostensiblement l’Amérique du fait religieux traditionnel pour la faire basculer dans la modernité.

Si le processus de modernisation qui s’installe au tournant du XXe siècle confirme l’effacement de l’idéal évangélique amorcé dès le milieu du XIXe au profit de l’ethos positiviste, il serait sans doute erroné de conclure qu’il installe une frontière étanche entre le séculier et le religieux. Il est fructueux au contraire d’explorer la dialectique entre le sacré et le profane qui informe toute la littérature américaine sur une période allant des années 1890 aux années 1920 et 1930. Depuis le « réalisme symbolique » de Stephen Crane et le stoïcisme de son héros Henry Fleming rejetant les figures et la rhétorique d’un mode obsolète (« the brass and bombast of his earlier gospels » (The Red Badge of Courage, 1895), jusqu’à l’obsession du nada de la « Génération perdue », les récits fictionnels (prose, poésie, théâtre) bruissent d’une religiosité diffuse qui ne consent pas à se taire. C’est envers et contre tout, contre tous devrait-on dire – tant Freud, Darwin, Marx se sont rendus « coupables » d’amorcer la réévaluation du monde que Nietzsche jugera déserté par Dieu – que cette religiosité diffuse résiste, contraignant le créateur moderne à questionner l’humain, la morale de l’art, la place et la fonction du Beau, de la Nature, etc. en fonction des nouvelles théories de l’ordre naturel (l’inconscient et l’évolution), du déterminisme biologique et social, du technological sublime, etc.

Le paradoxe veut donc que, dans cet univers socioculturel où le sens se révèle désormais in absentia, ce soit l’empiètement du religieux sur le profane qui règle les l’économie narrative de bon nombre de récits fictionnels : Stephen Crane, Frank Norris, Jack London, parmi d’autres, romanciers, poètes (Vachel Lindsay, Carl Sandburg, Robert Frost) ou dramaturges (Eugene O’Neill), et après eux, John Steinbeck et Ernest Hemingway, offrent une vision primitiviste de l’univers où résonne cependant une spiritualité singulière et protéiforme. C’est vrai aussi de Willa Cather, Sinclair Lewis, Upton Sinclair, ou Theodore Dreiser, dont les écrits, dégagés du religieux institutionnel, interrogent sans relâche l’angoisse métaphysique de l’Homme, l’existence du Mal, la culpabilité.

Le tissage subtil du religieux et du séculier qui caractérise ces pratiques littéraires et artistiques dépasse la simple résurgence du sacré dans le profane : il transparaît également dans le merveilleux et le surnaturel (avec leurs rites, leurs superstitions, leur magie), ainsi que dans les représentations du corps et de la machine, dans les simulacres de la société de consommation, etc. Avec audace, la prose iconoclaste de Gertrude Stein combine un rythme incantatoire et un mysticisme sans Dieu. Sherwood Anderson et ses grotesques, T.S. Eliot face à la Terre Gaste, Dos Passos et la métropole moderne déshumanisée, Hemingway et le mystère symbolique de la corrida, ou bien l’extase de la vie et de la mort confondues, John Steinbeck revisitant la rhétorique biblique dans The Grapes of Wrath – tous partagent cette même expérience.
Cet atelier souhaite explorer le passage du « mysticisme » d’Howells au « sacré » d’Hemingway, ainsi que ses effets sur le style comme sur les formes et genres littéraires.

Voici quelques pistes de réflexion:
a. La fonction de l’imagination créatrice dans un monde qui s’affranchit progressivement des croyances et pratiques religieuses.
b. La quête par l’artiste écrivain d’une autre expérience du langage, (Hemingway dans « Green Hills of Africa », par exemple). La dialectique entre autorité et perte, révélation et dissimulation, expression et silence.
c. Le concept du numineux (Rudolf Otto), à savoir le sacré, débarrassé de sa dimension morale
d. Conceptions et représentations de la Nature (cet « équivalent » métaphysique de l’idée de Dieu chère aux monothéismes) dans un monde qui s’éloigne du divin. Le sublime.
e. Le merveilleux dans la fiction américaine moderne.
f. L’expérimentation formelle liée au transfert du religieux au séculier ; la question du style en lien avec la Bible et sa rhétorique.

Les propositions sont à envoyer à Guillaume Tanguy et à Denise Ginfray avant le 15 décembre 2012.

Modernity: A Test for Religion and Spirituality
Denise Ginfray (Université Clermont 2) et Guillaume Tanguy (Université Montpellier 3)

Set between the romance, and destined to shift toward naturalism, W.D. Howells’s social realism, which marks the end of nineteeth-century American literature, is emblematic of a democratic pragmatism aimed at the ideal of “The Great American Novel.” This should come as no surprise for faith in scientific progress, and the belief that language is an apt tool to read and describe the world, shaped this literary genre grounded on the power of mimesis. However, the Dean’s aesthetic venture was more complex, for it was permeated with a mystic bond that would, ideally, unite economic constraints, a collective moral and artistic commitment. Like Howells, Edith Wharton responded to this new ethics—both social and fictional, but when her House of Mirth was published in 1905, the western world was already adopting new cultural and social practices that would unseat tradition and usher America into modernity.

It is commonly agreed that the process of modernization that took place at the turn of the twentieth century confirmed the erosion of the evangelical ideal initiated by the positivist ethos during the nineteenth century. However, it would be misleading to consider that this process generated tight boundaries between the secular and the religious. It is more rewarding to explore the dialectic between the sacred and the profane that informs American literature written during the period spanning the 1890s to the 1920s and 1930s. From Stephen Crane’s “symbolic realism” with his stoical hero who rejects the figures and rhetoric of an obsolete world (“the brass and bombast of his earlier gospels” The Red Badge of Courage, 1895), to the Lost Generation’s obsession with nada, American prose, poetry and drama are steeped in a diffuse religiosity. Against all odds, and despite Freud, Darwin and Marx’s reevaluation of the modern world (see Nietzsche), this diffuse religiosity persists, and compels the modern artist to reassess his conception of the human subject, of the ethic of art, of the role and function of Beauty, of Nature, etc. in the light of the new theories of evolution, the unconscious, social and biological determinism, the technological sublime, etc.

The paradox is that, in this socio-cultural environment where meaning reveals itself in absentia, it is the encroachment of the sacred on the profane that rules the narrative economy of many fictional works: Stephen Crane, Frank Norris, Jack London, among others, novelists, poets (Vachel Lindsay, Carl Sandburg, Robert Frost) or playwrights (Eugene O’Neill), and after them John Steinbeck and Ernest Hemingway, contemplate the primitivism of the universe where a strange, many-faceted spirituality still resonates. It is also true of Willa Cather, Sinclair Lewis, Upton Sinclair, or Theodore Dreiser, whose works, freed from institutional religion, relentlessly question Man’s metaphysical anxiety, the existence of evil, and guilt.

The subtle interweaving of the religious and the secular, characteristic of these literary and artistic practices, goes well beyond the mere resurgence of the sacred within the profane. It also shows in the marvelous and the supernatural (with their rites, superstitions, magic), in the representations of the machine and the body, in the simulacra of the consumer society, etc. Àbold example is Gertrude Stein’s iconoclastic prose that combines incantatory rhythms with a mysticism without God. Sherwood Anderson and his “grotesques,” T.S. Eliot confronted with the Waste Land, J. Dos Passos and the dehumanized metropolis, Hemingway enduring the mystery of bull-fighting or the ecstatic intertwining of life and death, John Steinbeck revisiting the rhetoric of the Bible in The Grapes of Wrath—all of them share in the same experience.
This workshop will seek to explore the shift from Howells’s “mysticism” to Hemingway “sacredness,” along with its effects on genre, form and style.

Here are a few suggestions, which may serve as guidelines for our discussion:
a. The nature and function of creative imagination in a world that gradually loosens its bonds with religious beliefs and practices.
b. The artist’s quest for another linguistic dimension (as in Hemingway’s Green Hills of Africa); his relation to authority and loss, revelation and concealment, expression and silence.
c. Rudolph Otto’s concept of the numinous, namely the sacred rid of its moral dimension.
d. New conceptions and representations of Nature (the metaphysical “equivalent” of God central to monotheist religions) in a world estranged from the divine; the Sublime.
e. The marvelous in modern American fiction.
f. The experimentation with form due to the transfer from the religious to the secular; the issue of style in relation to the rhetoric of the Bible.

Proposals should be sent to Guillaume Tanguy et à Denise Ginfray by December 15, 2012.

22. « The Christ-haunted South » ou l’importance du religieux dans la littérature du Sud
Marie Liénard-Yeterian (Université de Nice-Sophia Antipolis) et de Gérald Préher (Institut Catholique de Lille/ Université de Versailles Saint-Quentin)

Lorsqu’en 1919, Mencken définissait le Sud des États-Unis comme « la ceinture de la Bible », il ne se doutait certainement pas que l’expression allait traverser les décennies et imposer à une région déjà bien singulière une étiquette dont elle ne pourrait se libérer. En effet, les fondements idéologiques qui justifiaient l’esclavage reposaient très largement sur les textes bibliques et le Sud a difficilement accepté les changements que la Guerre de sécession ou le mouvement pour les droits civiques lui ont imposés. Qu’en est-il donc de la situation de l’écrivain qui souhaite « dire le Sud » pour reprendre les mots d’un personnage faulknérien ? Quelle place occupe la religion dans un Sud qui en a manipulé l’essence du message christique ? Dans son essai « Catholic Novelists and their Readers », Flannery O’Connor laisse planer le doute lorsqu’elle observe : « The Catholic novelist doesn’t have to be a saint; he doesn’t even have to be a Catholic; he does, unfortunately, have to be a novelist ». Le verbe deviendrait-il religion ?—c’est ce que semble suggérer la Géorgienne. Dans quelle mesure peut-on dire que le Sud est une région hanté de Dieu ou par Dieu ? Quels moyens l’écrivain utilise-t-il pour donner à ses textes une dimension religieuse voire parabolique ? La dialectique du bien et du mal qui inspire l’œuvre d’un écrivain tel que Cormac McCarthy ne relève-t-elle pas de la hantise d’un Sud dépossédé du « Paradis », entre le rituel communautaire et l’expérience intime de la rencontre avec le « Tout Autre » (Lévinas) ? Comment situer l’existant ? l’écrivain ? « The Catholic novelist frequently becomes so entranced with his Christian state that he forgets his nature as a fiction writer », suggère encore O’Connor. Que nous disent par ailleurs des auteurs comme Walker Percy, William Goyen, Caroline Gordon, Harry Crews, Elizabeth Spencer, Janisse Ray ou André Dubus sur les rapports que le Sud entretient avec le religieux ? Est-ce que la nouvelle, genre emblématique d’une région de conteurs, s’inscrit dans une tradition biblique ? Que pouvons-nous dire de la présence de prédicateurs dans l’imaginaire sudiste et comment l’écrivain utilise-t-il « les mystères essentiels » (Jean-Luc Nancy) que sont la Trinité, l’Incarnation et la Résurrection ? Le Sud entre-t-il en religion par l’écriture ou assume-t-il, à travers sa littérature, son péché originel ? Le but de cet atelier sera de considérer la littérature du Sud comme le lieu d’un dialogue entre la religion et l’écriture.

Les propositions de communication sont à envoyer conjointement à Marie Liénard-Yeterian ) et Gérald Préher avant le 15 décembre 2012.

“The Christ-Haunted South,” or the Importance of Religion in the Literature of the American South
Marie Liénard-Yeterian (Université de Nice-Sophia Antipolis) and Gérald Préher (Institut Catholique de Lille/ Université de Versailles Saint-Quentin)

When, in 1919, Mencken defined the American South as “the Bible Belt,” he certainly did not anticipate that the expression would be passed on for decades and stick a permanent label on a region which was already known for many very particular characteristics. In fact, the ideological foundations justifying slavery were largely based on biblical texts; the South never found it easy to accept the changes which the Civil War and the Civil Rights movement had forced upon it. How can we therefore describe the situation of the writer who wants, in the words of one of Faulkner’s characters, to “tell about the South”? What role is played by religion in a South which has altered the very essence of Christ’s message? In her essay “Catholic Novelists and their Readers”, Flannery O’Connor leaves the question open when she writes: “The Catholic novelist doesn’t have to be a saint; he doesn’t even have to be a Catholic; he does, unfortunately, have to be a novelist”. Have words themselves become a religion?—which is what the Georgian author seems to be suggesting. To what extent can we say that the South is a “God-infested” region or a region haunted by Christ? What means does the Southern writer have at his disposal to give his text a religious dimension or turn it into a parable? Is the eternal conflict between Good and Evil which inspires the works of a writer like Cormac McCarthy just another sign of the haunting of the South, deprived of its past Eden, as it makes its way between shared community rituals and the deeply personal experience of meeting the One who is the “Absolute Other” (Lévinas)? So how can we define the South and its people today? Where does the writer stand? O’Connor suggests that “The Catholic novelist frequently becomes so entranced with his Christian state that he forgets his nature as a fiction writer.” What do authors like Walker Percy, William Goyen, Caroline Gordon, Harry Crews, Elizabeth Spencer, Janisse Ray or André Dubus have to say about the relationship between religion and the South? Is the short story, so emblematic of this region of story-tellers, part of the biblical tradition? What can we say about the presence of preachers in the Southern imagination and the way in which writers use the “essential mysteries” (Jean-Luc Nancy), by which he means the Trinity, the Incarnation and the Resurrection? Does the South write its way into the world of religion or does it, through its literature, fully assume its Original Sin? The aim of this panel will be to provide a place where religion and writing may speak freely to each other.

Proposals should be sent to Marie Liénard-Yeterian ) et Gérald Préher by December 15, 2012.

23. Poétiques de l’inscription : des théologies de la lettre à la désacralisation de l’écriture
Mathieu Duplay (Université Paris Diderot-Paris 7)

En Amérique, la religion a partie liée avec la lettre. D’abord parce que, dans une tradition fortement marquée par le protestantisme, la réflexion théologique et la pratique religieuse sont inséparables d’un travail de lecture, de l’attention portée à la lettre des textes sacrés ; mais aussi parce que cette entreprise herméneutique conduit directement à poser plusieurs questions cruciales. Comment lire ? À quelles stratégies, à quels outils recourir ? Quels autres textes faire dialoguer avec l’Écriture ? Peut on, doit on en faire une lecture « à la lettre » ? – problématiques certes classiques, mais sur lesquelles la littérature américaine n’a pas cessé de revenir et qu’il serait pertinent d’examiner à nouveau, par exemple à la lumière des textes les plus récents. Bien vite, se profilent des enjeux plus importants encore qui, par delà le cas spécifique de la religion, interrogent les fondements mêmes de toute civilisation de l’écrit. Qu’est ce que lire ? Qu’est ce qu’un texte ? Qu’est ce qui est (ou fait) texte ? Qu’est ce que la lettre, qu’est ce qui est lettre ? La lettre s’articule t elle nécessairement à l’interprétation, s’épuise t elle dans la lecture qui en est faite, voire nécessite t elle d’être interprétée ? Y a t il un sens à parler de « la » lettre, compte tenu de la diversité des systèmes d’écriture ?

La littérature se fait l’écho de ces interrogations, mais on se souviendra qu’elles intéressent aussi la philosophie et la théorie littéraires : particulièrement centrales à l’heure où la réflexion sur la « lecture » prend, de plus en plus, une orientation post herméneutique, elles préoccupent depuis longtemps les penseurs américains, et les formes successives que ce questionnement a revêtues au fil du temps pourraient constituer des objets d’étude à part entière. La problématique spécifique de la lettre dans ses déterminations singulières, liées à tel ou tel contexte historique ou anthropologique, constitue à cet égard un intéressant cas d’école. Pour un anglophone, lire la Bible, c’est être amené à se souvenir que ce livre trouve son origine dans d’autres aires linguistiques que celles où prédomine l’alphabet romain ; or l’alphabet hébreu, par exemple, est traditionnellement lié à une conception très particulière de la lettre et de son efficace. Si les écrivains américains de tradition juive s’en souviennent bien sûr – on songe par exemple à Call It Sleep (1934) de Henry Roth, dont le protagoniste étudie l’hébreu dans une yeshiva new yorkaise – certains auteurs de culture chrétienne en ont tout autant conscience, par exemple Emerson qui, dans « Self Reliance » (1841), fait allusion à la pratique juive de la mezouzah, parchemin comportant des citations de l’Écriture et fixé sur le linteau de la porte à l’entrée des habitations : « I would write on the lintels of the door post, Whim. I hope it is somewhat better than whim at last, but we cannot spend the day in explanation ». On est même tenté d’avancer, à titre d’hypothèse, que la réflexion sur ce qu’ont de relatif et de transitoire les systèmes d’écriture, « letters », revêt une urgence toute particulière chez les auteurs transcendantalistes ; on pense par exemple à Walden, ou encore à ce qu’avançait Emerson en 1840 dans « Thoughts on Modern Literature » : « The erect mind disparages all books. What are books ? it saith : they can have no permanent value. […] Literature is made up of a few ideas and a few fables. It is a heap of nouns and verbs enclosing an intuition or two. […] When we are aroused to a life in ourselves, these traditional splendors of letters grow very pale and cold ». Il pourrait s’avérer pertinent de s’interroger sur les attendus de ce questionnement, sur les facteurs épistémologiques qui le font émerger de manière aussi visible à ce moment précis de l’histoire de la pensée américaine, et aussi sur ses échos chez les très nombreux auteurs – écrivains, artistes, philosophes, théoriciens – qui, plus ou moins ouvertement, s’inscrivent dans une filiation transcendantaliste.

Ainsi posée, la question de la lettre produit des effets en retour sur la pensée de la religion. Pour Derrida, l’écriture en tant que « trace » signifiante rend problématique la recherche de la parole pleine en raison du travail de la différance ; en ce sens, elle constitue un défi (dont rien ne dit qu’il est insurmontable) pour toute théologie du Verbe. Plus généralement, la diversité des systèmes d’écriture, et notamment la fréquentation (par exemple chez Pound) des écritures logogrammatiques, oblige à se demander ce qu’il en est d’une théologie qui aspire à l’universalité tout en s’avérant ancrée dans une pratique de la lettre, c’est à dire de l’alphabet dans ce qu’il a de spécifique. Avec quelles formes de recherche spirituelle la pratique du logogramme a t elle partie liée, et comment interagit elle avec les traditions issues du monde anglophone, où prédomine l’alphabet latin ? (On songe ici tout particulièrement aux auteurs des XXe et XXIe siècles chez qui se fait jour, à des degrés divers, l’influence de la pensée taoïste ou du bouddhisme zen, liés l’un et l’autre à des modes spécifiques d’expression littéraire ; mais on pourrait aussi s’interroger sur la manière dont elle commence à prendre forme dès le XIXe siècle, par exemple chez Thoreau dont on connaît l’intérêt pour les littératures et les formes de spiritualité orientales).

Enfin, il convient de s’interroger sur la réponse radicale que donne à toutes ces questions le courant de la littérature américaine qui cherche à désacraliser entièrement la lettre et à lui conférer un statut ontologique apparenté à celui du déchet, comme c’est par exemple le cas chez William Gaddis. Dans la réflexion contemporaine, la lettre structure l’inconscient (Lacan) ou appartient à l’ordre du signifiant saussurien (Derrida), c’est à dire qu’elle se distingue du tracé concret tel qu’il apparaît sur la page. Qu’en est il au juste de cette marque empirique, de la lettre non telle que je la comprends, mais telle que je la vois ? Est il possible de l’appréhender sans recourir ni au lexique de l’idéalité (clef d’une « spiritualité » au sens le plus large du terme), ni à des schémas de pensée qui reconduisent, sous couvert de matérialisme, une onto théologie de la présence ? Peut on imaginer, et rencontre t on dans la littérature ou dans la théorie américaines, une poétique de l’inscription fondée sur l’hypothèse que l’on peut répondre à cette question par l’affirmative ?

Propositions sont à envoyer à Mathieu Duplay avant le 15 décembre 2012.

Poetics of Inscription: From Theologies of the Letter to the Desacralization of Writing
Mathieu Duplay (Université Paris Diderot-Paris 7)

In American culture, religion is intimately linked to a concern for literalness. According to Protestant principles—whose impact on the American tradition has been considerable—theological thought and religious practice are inseparable from specific modes of reading and require a keen attention to the letter of the Biblical text. This hermeneutic approach to spirituality raises several crucial questions. What is the best way to read? What interpretive tools or strategies are to be preferred? What other texts may be read alongside Scripture? Is it possible, let alone advisable, to interpret it literally? These familiar issues have lost none of their relevance today, and it might be interesting to examine them again in the light of the most recent developments in American writing. In the final analysis, even more pressing problems come to the fore, calling into question not just religion, but the fundamentals of all literate culture. What does reading entail? What is a text? What counts as text? What is, or counts as, a letter? What, if anything, does the letter of a text have to do with its interprÉtation? Can interpretation exhaust the possibilities of the letter, and is it necessary for it to be interpreted at all? Does it make sense to speak of “the” letter, since so many different scripts or writing systems exist side by side?

While these questions are crucial to literature, it should be borne in mind that they are no less important to philosophy and literary theory. True, they have been the focus of increasing attention in recent years, as examinations of the reading process have taken a post-hermeneutic turn; however, they have long been of interest to American thinkers, and the various ways in which these and related issues have been raised over time are an interesting object of study in their own right. Inquiries about the letter’s dependence on a given historical or anthropological context are a case in point. For a native English speaker, to read the Bible is to be reminded that it originated in a cultural setting where the Roman alphabet did not occupy a dominant position, if indeed it was present at all. This is a matter of some importance since the Hebrew alphabet, for instance, is traditionally associated with a wholly different conception of the letter and of its spiritual, not to say mystical or magical, aura. Jewish American writers are especially aware of this, as suggested, for instance, by Henry Roth’s Call It Sleep (1934), whose protagonist studies Hebrew in a New York yeshiva. However, this issue is no less important to a number of authors raised in the Christian tradition, e.g. Emerson who alludes in “Self-Reliance” (1841) to the practice of affixing a piece of parchment inscribed with Hebrew verses from the Torah to the doorframe of Jewish homes: “I would write on the lintels of the door-post, Whim. I hope it is somewhat better than whim at last, but we cannot spend the day in explanation.” Indeed, the relativity of all “letters” or writing systems appears to have been a particularly significant problem for Transcendentalist thinkers; it is broached in Walden, and Emerson draws attention to it in his 1840 essay “Thoughts on Modern Literature”: “The erect mind disparages all books. What are books? it saith: they can have no permanent value. […] Literature is made up of a few ideas and a few fables. It is a heap of nouns and verbs enclosing an intuition or two. […] When we are aroused to a life of ourselves, these traditional splendors of letters grow very pale and cold.” It might be useful to wonder what motivates this interest in the issue, what epistemological factors account for its prominence at that particular time in the history of American thought, and what echoes Emerson’s observations have awakened in the numerous writers, artists, philosophers, or theorists who, more or less openly, lay claim to the legacy of Transcendentalism.

Thus formulated, the question of literalness has an impact in return on the religious thinking out of which it arose. According to Derrida, writing as “trace” and différance problematizes the quest for parole pleine and therefore constitutes a challenge—albeit not necessarily an insuperable one—for all theologies based on a belief in the revealed Word of God. More broadly speaking, the existence of rival writing systems and, in particular, the interest many American authors (e.g. Pound) take in logogrammatic scripts call into question the validity of theological discourses that aspire to universal validity even as they rely on alphabetic writing, which is tied to a specific cultural or linguistic environment. With what types of spiritual quest is logogrammatic writing associated, and how does it interact with the traditions indigenous to the English-speaking world, where the Roman alphabet predominates? (This question has particular relevance to the works of the twentieth- and twenty-first century writers known for their attention to Taoism and Zen Buddhism; however, it could also be raised in connection with nineteenth-century authors such as Thoreau, whose interest in Eastern literature and spirituality is well known.)

Lastly, it would be appropriate to examine the radical answer given to all these questions by the American writers who seek to dispel the letter’s mystical aura and who view it as ontologically akin to garbage (William Gaddis is a case in point). In contemporary thought, the letter structures the human unconscious (Lacan) and/or has affinities with the Saussurean signifier (Derrida); therefore, it must not be confused with the visible trace as it appears on the page. If so, then what is the status of the empirical mark, of the letter as the eye sees it, as distinguished from its manifestations in the mind? Is it possible to apprehend it without describing it in terms of ideality (that is to say, without aligning it with a form of “spirituality” in the broadest sense of the term), and without falling back on supposedly “materialistic” modes of thinking, which implicitly endorse an onto-theology of presence? Is it possible to imagine—and to locate in American literature or theory—a poetics of inscription based on the hypothesis that the latter question can be answered in the affirmative?

Propositions should be sent to Mathieu Duplay by December 15, 2012.

24. Mystiques du langage en fiction contemporaine
Karim Danoune (Université Bordeaux 3) et Anne-Laure Tissut (Université de Rouen)

La littérature américaine montre plus d’un exemple de tentative de comprendre le monde par le recours à une entité suprême. Or, les XXe et XXIe siècles voient se diversifier les sources du sentiment religieux. Si l’émerveillement face à la nature, qui culmine avec le Transcendantalisme, demeure une manifestation majeure du sens du religieux, encouragé, peut-être, par l’immensité d’espaces riches en mystères (on pense au cadre privilégié du désert dans l’œuvre de DeLillo, ou sur un mode très différent, dans celle d’Everett), les prodigieuses avancées technologiques deviennent l’objet d’interrogations métaphysiques. Steve Tomasula, sur un mode ironique et parodique, dit l’expérience du sublime que peut procurer le monde contemporain, dont les repères dans l’espace comme dans le temps ont subi un bouleversement radical. Il s’interroge, notamment dans VAS, An Opera in Flatland, sur l’existence d’une instance suprême qui pourrait gouverner ce monde en perpétuelle transformation que d’aucuns disent post-humain. La fiction américaine du tournant de siècle met en scène ou laisse deviner l’existence d’univers parallèles, qui doublent ou sous-tendent le monde quotidien, y instillant le mystère. Les œuvres de Brian Evenson, Blake Butler, Stephen Millhauser ou Percival Everett (dans Zulus, Frenzy et American Desert, par exemple) mais aussi de Don DeLillo (dans The Names, entre autres) ou de Ben Marcus (dans Notable American Women ou The Age of Wire and String) représentent ces univers, et les sectes et cultes qui leur sont rattachés. Ces groupuscules forcent une redéfinition du religieux en renégociant le sens de la communauté. Il conviendra d’analyser par exemple le mode d’existences de ces communautés secrètes, de se demander si elles ont recours à une violence particulière qui viendrait dupliquer, voire parodier, une violence originelle symbolique. Dans le lectorat même, en particulier parmi les lecteurs de littérature électronique, ou d’« heroic fantasy », se créent parfois des groupes unis par une ferveur quasi religieuse, attisée par les moyens de communication informatiques. La littérature électronique offrira aussi la possibilité d’élargir la réflexion sur le pouvoir du lecteur à prendre les commandes du « livre » tel un démiurge, ou au contraire à se laisser dicter une conduite, tel un messie, en s’en remettant à une entité supérieure machinique.

On pourra en outre s’intéresser aux œuvres qui mettent en scène des figures messianiques. L’enfant y apparaît souvent comme le personnage tout trouvé pour ouvrir la voie vers l’ailleurs, ou supplanter la figure de Dieu. On pense notamment au personnage de Gurion ben-Judah Maccabee dans The Instructions (2010) d’Adam Levin. Si ce roman revisite les procédés littéraires propres au Talmud, The Gospel According to the Son (1997) de Norman Mailer permettrait, lui, de se pencher sur la question de la réécriture du canon littéraire religieux puisqu’il propose la fiction autobiographique du fils de Dieu.

Or ces fictions dans laquelle s’exprime un sens du religieux, en dehors de toute religion connue, se caractérisent par l’invention de langages, pour dire le mystère du ou des mondes et régir les rapports se tissant entre les membres des cultes et des sectes. On s’intéressera à ces langages inventés qui disent et créent le sentiment religieux : recyclent-ils des caractères stylistiques du discours religieux reconnu, lexicaux ou syntaxiques et plus largement structurels ? Seront considérés les moyens mis en œuvre pour faire dévier le discours religieux vers des champs et des objets qu’il conviendra de chercher à définir. Comment le discours religieux, qu’il soit l’expression personnelle d’un sentiment religieux, ou un discours collectivement tenu reflétant et renforçant l’existence d’une communauté religieuse ou du moins spirituelle, s’adresse-t-il au lecteur ? Plus précisément, ce dernier se sent-il accueilli, appelé, comme en une entreprise de séduction, ou au contraire, éprouve-t-il l’hermétisme d’un langage visant à l’exclure ? La réception du texte et l’esthétique propre de ces avatars du religieux dans la fiction contemporaine retiendront aussi notre attention. On se demandera si le langage lui-même n’est pas l’objet des divers cultes qui s’épanouissent dans ces œuvres, animées par une mystique du langage. La recherche d’une force suprême entendue comme une altérité absolue ne passe-t-elle pas dans certaines œuvres par l’élaboration d’un langage outrancièrement novateur qui voudrait pointer vers son autre ?

Les propositions sont à envoyer à Karim Danoune et à Anne-Laure Tissut avant le 15 décembre 2012.

Mystique of Language in Contemporary American Fiction
Karim Danoune (Université Bordeaux 3) et Anne-Laure Tissut (Université de Rouen)

American literature is filled with attempts at understanding the world by resorting to supreme entities. Yet the twentieth and twenty-first centuries saw a diversification of the sources from which a religious feeling could emanate. If wonder and awe before nature, which were brought to a climax by Transcendentalism, remain a major mode of manifestation of the religious sense, perhaps fostered by the vastness of a territory crammed with mysteries (one can think of the favored locus of the desert in DeLillo’s oeuvre or, in a different approach, in Everett’s), the prodigious prowess of technology has become the focus of metaphysical enquiries. Steve Tomasula, in parodic and ironic modes, tells the experience of the sublime hosted in a contemporary world in which space and time coordinates have changed radically. Especially in his novel VAS, An Opera in Flatland, he examines the existence of a supreme being that could rule over this ever-changing world that most are inclined to call posthuman. Turn-of-the-century American fiction portrays or suggests the existence of parallel worlds that duplicate or originate the world we live in, infusing it with mystery. Works by Brian Evenson, Blake Butler, Stephen Millhauser or Percival Everett (in Zulus, Frenzy and American Desert) but also Don DeLillo (in The Names) or Ben Marcus (in Notable American Women or The Age of Wire and String) depict such worlds which have favored the development of sects and cults. These groups compel us to define the religious anew by reconsidering what binds a community together. The modes of existence of these secret communities seem to be worth analyzing: for instance do they resort to specific modes of violence meant to mimic, or mock, symbolic originary violence? Among readers too, especially readers of electronic literature, or of heroic fantasy, groups are formed sometimes, united by an almost religious fervor, itself fueled by computerized communication means. Electronic literature promises to broaden the scope of our research by focusing on the power of the reader to take command of the book like a God-like figure, or conversely, like a prophet or a messianic figure, to obey and trust a superior machine-like God.

Works including messianic characters could provide interesting material. Children seem most apt to endorse such a role and open onto other worlds—or otherworldliness—or again to supersede godly figures. One can think of the character of Gurion ben-Judah Maccabee in Adam Levin’s The Instructions (2010). If this novel uses and abuses the literary techniques of the Talmud, Norman Mailer’s The Gospel According to the Son (1997), a fictitious autobiography of Jesus Christ, invites us to look into the possible rewritings of the religious literary canon.

The fictions conveying a sense of the religious, outside of any known religion, are characterized by the invention of languages, to say the mystery of the world or worlds and to rule over the relationships between the members of the sects or cults. Do those languages recycle stylistic features borrowed from acknowledged religious discourses, be they lexical, syntactical or more largely structural? Attention will be paid to the means resorted to so as to deviate religious discourse towards fields and objects which will need to be defined. How does religious discourse address readers, be it the individual expression of a religious sense, or a collective discourse reflecting and reinforcing the existence of a religious or at least spiritual community? More precisely, do readers feel welcome or called upon, as though in a seduction enterprise, or on the contrary do they perceive this language as hermetic and aimed at excluding them? The reception and aesthetics proper to such progeny of the religious in contemporary fiction will also be given attention. The question will be raised whether language itself is not the very object of worship in those works animated by a mystique of language. In some of the works, does not the quest for some superior force meant as total otherness go through the elaboration of an excessively innovative language tentatively pointing at its other?

Paper submissions should be sent to Karim Danoune et à Anne-Laure Tissut by December 15, 2012.

25. Crises et formes littéraires de la croyance
Monica Manolescu (Université de Strasbourg) et Stéphane Vanderhaeghe (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis)

Dans son article « Grids » publié en 1979 dans la revue October et repris dans son livre The Originality of the Avant-garde and Other Modernist Myths, Rosalind Krauss discute de l’ambiguïté de la grille comme forme emblématique de l’art moderne :
« Given the absolute rift that had opened between the sacred and the secular, the modern artist was obviously faced with the necessity to choose between one mode of expression and the other. The curious testimony offered by the grid is that at this juncture he tried to decide for both. In the increasingly de-sacralized space of the nineteenth century, art had become the refuge for religious emotion; it became, as it has remained, a secular form of belief. Although this condition could be discussed openly in the late nineteenth century, it is something that is inadmissible in the twentieth, so that by now we find it indescribably embarrassing to mention art and spirit in the same sentence. The peculiar power of the grid, its extraordinarily long life in the specialized space of modern art, arises from its potential to preside over this shame: to mask and to reveal it at one and the same time ».

Même si les propos de Krauss concernent l’art moderne plutôt que la littérature, et même s’il n’existe pas d’équivalent littéraire de la grille, on peut se demander dans quelle mesure une telle « honte » de l’impossible mariage entre art et spiritualité se manifeste dans la littérature américaine et dans le discours critique qui l’accompagne.

Les exemples d’écrivains dont l’œuvre est travaillée par cette tension, ou qui puisent dans un répertoire de thèmes, d’images et de postures artistiques de nature spirituelle ne manquent pas : on peut songer, entre autres, à Flannery O’Connor, dont les textes reposent sur un décalage entre ses convictions catholiques et le contexte protestant du Sud ; à Salinger et son engouement pour une forme syncrétique de spiritualité avec des accents orientaux (dans Franny and Zooey) ; à William Gaddis, interrogeant l’impossible authenticité de l’art et de l’écriture dans un contexte soumis à leur reproduction et mercantilisation ; aux écrivains de la nature opérant un transfert de la transcendance vers l’immanence, comme Annie Dillard par exemple, qui conçoit une forme d’écriture-méditation dans la tradition de Thoreau et Emerson ; à Brian Evenson et ses déboires avec les formes institutionnelles du mormonisme, son écriture plaçant la violence au centre de l’économie du texte ; à Rikki Ducornet encore, et ses tentatives de réécriture de quelques épisodes de l’histoire religieuse de la colonisation de l’Amérique (The Fan-Maker’s Inquisition), voire son intérêt pour le catholicisme dans une variante à la fois gothique et carnavalesque aux accents hawthorniens (The Stain) ; ou à un écrivain comme Nabokov, héritier (turbulent et parodique) de la tradition romanesque à veine métaphysique russe (voir Ada)… On pourra en outre s’interroger sur ce qui peut apparaître comme autant d’épiphanies séculières, à l’instar de ce qui se passe dans White Noise de Don DeLillo, par exemple, où la seule source de consolation dans un contexte apocalyptique réside dans la contemplation d’un enfant endormi.

Tous ces exemples ponctuels tendent à renforcer, tout en le problématisant dans les prémisses d’un dialogue ouvert, le lien entre littérature et spiritualité. On peut néanmoins changer d’optique et prendre en considération non pas le lien fort, mais plutôt le lien faible entre les deux, et interroger le caractère désormais désuet, « honteux » et décalé des rapports entre art et esprit au XXe et au XXIe siècles, en soulignant l’aspect proprement critique d’une frange de la littérature américaine qui aurait peut-être cessé de « croire » en ses pouvoirs et qui interrogerait, ce faisant, entre désenchantement et impossible ré-enchantement, les modes privilégiés de toute forme, y compris sécularisée, de croyance (ironie, parodie, plagiat, simulacre…).

Les propositions de communication sont à envoyer conjointement à Monica Manolescu et Stéphane Vanderhaeghe avant le 15 décembre 2012.

Literary Crises and Forms of Belief
Monica Manolescu (Université de Strasbourg) and Stéphane Vanderhaeghe (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis)

In “Grids,” first published in a 1979 issue of the journal October and later collected in her book The Originality of the Avant-Garde and Other Modernist Myths, Rosalind Krauss discusses the ambiguity of the grid as the emblematic form of modern art:
“Given the absolute rift that had opened between the sacred and the secular, the modern artist was obviously faced with the necessity to choose between one mode of expression and the other. The curious testimony offered by the grid is that at this juncture he tried to decide for both. In the increasingly de-sacralized space of the nineteenth century, art had become the refuge for religious emotion; it became, as it has remained, a secular form of belief. Although this condition could be discussed openly in the late nineteenth century, it is something that is inadmissible in the twentieth, so that by now we find it indescribably embarrassing to mention art and spirit in the same sentence. The peculiar power of the grid, its extraordinarily long life in the specialized space of modern art, arises from its potential to preside over this shame: to mask and to reveal it at one and the same time.”

Although Krauss focuses more specifically on modern art rather than literature, and even if there is no literary equivalent of the grid, one might wonder how extensive such a “shame” is over the impossible union of art and spirituality, both in American literature and the critical discourse that encompasses it.

Many are the examples of writers whose work is fraught with just such a tension or who dip into a reservoir of themes, images, or artistic attitudes partaking of a spiritual nature. Among them are Flannery O’Connor, whose texts often rest on the discrepancy between her Catholic convictions and the Protestant background of the South; Salinger and the appeal exerted by a syncretic form of spirituality with Eastern overtones (see Franny and Zooey); William Gaddis, who questions the impossible authenticity of art and writing in a context defined by their reproduction and commodification; the Nature writers, whose work often enacts a shift from transcendence towards immanence—such is the case, for instance, of Annie Dillard whose writing is tinged with a form of meditation reminiscent of a tradition originating with Thoreau and Emerson; Brian Evenson, who, alongside his notorious trouble with institutional forms of Mormonism, makes of violence the constitutive principle at the heart of his texts; Rikki Ducornet and her attempts at rewriting various episodes in the religious history of American colonization (The Fan-Maker’s Inquisition), or, not without some Hawthornian echoes, her interest in a Gothic and carnivalesque rendering of Catholicism; or, still, a writer like Nabokov, the heir, mischievous and parodic, to the Russian metaphysical tradition of the novel (see Ada)… In that regard, one may also question the recurrence of what can be seen as so many secular epiphanies, as in Don DeLillo’s White Noise, for instance, at the end of which, against an apocalyptic backdrop, the only source of solace lies in the contemplation of a sleeping child.

All these examples, selective as they might be, would tend to reinforce, while underlying its problematic nature at the outset of an open dialogue, the connection between literature and spirituality. However, it is possible to turn the perspective around in order to consider not the stronger link, but the weaker one instead between the two—one might thus wonder about the by-now obsolete, “shameful,” or discrepant relationship between art and spirit in the twentieth and twenty first centuries, to stress the very critical attitude of some American writers who may have ceased believing in the powers of the word, all the while questioning, halfway between disenchantment and an impossible re-enchantment, the usual modes through which belief, in all its manifestations, secular ones included, is inscribed into the texts (irony, parody, plagiarism, simulacrum…).

Abstracts should be sent both to Monica Manolescu et Stéphane Vanderhaeghe by December 15, 2012.

26. « There’s only one god and we don’t believe in him » : la religion à fleur de texte Sylvie Bauer (Université Paris Ouest Nanterre) et Anne Ullmo (Université Lille 3)

Dans The Water Cure (2007) de Percival Everett, le narrateur déclare : “There’s only one god, and we don’t believe in him”. Cette boutade pourrait être le point de départ d’une analyse plus approfondie des liens ambigus qu’entretiennent la littérature contemporaine étatsunienne et la religion. L’enjeu de notre atelier consistera ainsi à s’interroger sur la manière dont le fait religieux y est tour à tour mis en avant ou au contraire évacué, valorisé ou pointé du doigt comme intrinsèquement violent.

On examinera d’autre part la manière dont les diverses pratiques esthétiques mettent en lumière la tension entre l’absence de transcendance et la résistance du religieux.

Interrogé sur l’influence de son héritage mormon sur son écriture, Brian Evenson répondait : « Religion and morality, if present at all, are present in the reader’s recognition of their absence, and for having been translated into structural and organizational principles » (Brian Evenson by Ben Marcus). Comment se défaire de la religion alors qu’elle s’est imposée comme « principe structurel », fondement d’une société et d’une culture ? On pourrait peut-être alors suggérer qu’elle fait retour, à l’insu d’écritures qui non seulement tentent de s’en détacher, mais bien souvent, l’ignorent inconsciemment. Au sentiment d’échec et à la puissance du rejet du fait religieux s’oppose la force d’une présence qui s’insinue malgré tout, ne serait-ce que par le biais de son absence, point aveugle ou trou dans la langue qui surgit, sinon avec la force de l’évidence, au moins comme un reste, rappel insidieux de son emprise. De quelle manière les écrivains américains contemporains inscrivent-ils dans leurs œuvres cette présence de l’absence ? Comment parviennent-ils à proposer une vision proche de la radicalité bataillienne d’un envers insoutenable du monde métaphysique ? On se penchera ainsi sur la manière dont l’écriture, dans un renversement de l’étymologie du mot « religion » (re-ligare/ re-binding) parvient à figurer la coupure du sujet avec un dieu dont elle présentifie l’absence avec tant de force. De la représentation subversive du rituel religieux (Evenson, Gass, Gaddis…) à la dénonciation de la religion comme aliénation (Ducornet, Evenson, Everett), en passant par l’absence totale de toute référence explicite à la religion (Abish, Whitehead, Barthelme), alors même qu’ils créent parfois des mondes dans lesquels se substituent au religieux des systèmes qui rappellent son pouvoir d’aliénation, ces textes font état d’une crise métaphysique qui transparaît non seulement sur un plan thématique mais également stylistique par le biais des figures du vide. Le paradoxe d’une absence qui ne cesse de faire retour, d’une béance indicible qui pourtant envahit l’espace scriptural, incarnation qui fonde tout à la fois la religion et l’écriture, sera au centre de nos préoccupations.

Les propositions de communications sont à envoyer à Sylvie Bauer et Anne Ullmo avant le 15 décembre 2012.

“There’s only one god and we don’t believe in him”: Religion under Erasure
Sylvie Bauer (Université Paris Ouest Nanterre) et Anne Ullmo (Université Lille 3)

The narrative voice of The Water Cure, by Percival Everett, declares at one point: “There’s only one god, and we don’t believe in him.” This tongue-in-cheek statement could very well summarize the ambiguous relation contemporary American literature has with the question of religion. Our panel will focus on examining the ways religion is in turns voiced and hushed, praised and denounced as intrinsically violent.

We will also analyze how different aesthetic choices highlight a tension between the absence of transcendence and the clinging presence of religion.

When asked about the influence of his Mormon heritage on his writing, Brian Evenson argues that “Religion and morality, if present at all, are present in the reader’s recognition of their absence, and for having been translated into structural and organizational principles” (Brian Evenson by Ben Marcus). In that regard, how is religion to be done away with, if it has shaped reality and delineated the “structural principle” of American society and culture? We would like to suggest that religion always returns, in spite of texts that not only overtly dismiss it but also ignore it, consciously or not. This leads to an opposition between, on the one hand, the inability to ward off the impact of religion however vital the need to reject it and, on the other, its almighty presence that pervades writing, if only because of its absence acting like a kind of blank in language insidiously surfacing, a remainder of the grip it has on writers and readers alike. How is this presence of absence inscribed in the very texture of contemporary American works? How do writers manage to conjure up a vision akin to Bataille’s radical perception of an unbearable foil of metaphysics? We will interrogate the way writing succeeds in exhibiting the rupture between the subject and a god whose absence is made so vividly palpable. Ranging from the subversive representation of religious rituals (Evenson, Gass, Gaddis) to a denunciation of religion as alienation (Ducornet, Evenson, Everett), through the total absence of explicit reference to religious matters (Abish, Whitehead, Bartheleme), even though they sometimes create systems that recall its alienating power, those texts display a metaphysical crisis, on both thematic and stylistic levels, embodied, so to say, by a sense of gaping emptiness. Our purpose will be to probe the paradoxes of an absence that always returns with the force of an obsession, of an unutterable void that nonetheless pervades writing, the incarnation perhaps, of the very nature of both religion and writing.

Submissions must be sent to Sylvie Bauer and Anne Ullmo by December 15, 2012.

27. La fin du monde, ou l’écriture et la désincarnation
Brigitte Félix et Arnaud Regnauld (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis)

Oscillant entre matérialisme et idéalisme en fonction du courant posthumaniste auquel elle se rattache, la figure ironique et blasphématoire du cyborg s’oppose à l’idée d’une Création du monde et par extension au mythe d’un retour à une unité originaire à la fin du monde sans pour autant cesser d’être hantée par le spectre d’une âme transcendante qui s’incarnerait dans son corps hybride, mi-homme, mi-machine (Donna Haraway, « Manifeste cyborg : science, technologie et féminisme socialiste à la fin du XXe siècle », Le Manifeste cyborg et autres essais, tr. Laurence Allard, Delphine Gardey et Nathalie Magnan, 2007, 29 et 34). Le corps cyborg signe à la fois la possibilité d’une restauration de l’intact (ce que Derrida désigne comme « le sain, le sauf, le sacré, l’indemne, l’immun » (Foi et savoir, 1997), comme celle d’un dés- et d’un réassemblage potentiellement infini qui brouillerait les frontières du même pris dans un processus d’hybridation perpétuelle du même avec l’autre, compris ici comme une profanation de la pureté (promise). Le cyborg entretient en effet une relation ambivalente avec la religion dont il convient de penser ici l’articulation paradoxale avec la technocience « expropriatrice et délocalisatrice ».
Or, d’après Jean-Luc Nancy, à « la mondialisation » qui marque la perte de la transcendance du verbe et le début de la dérive des signes, correspond « la fin du sens du monde en tant que fin du monde du sens ». En effet, la « mondialisation (…) ne laisse plus de ‘dehors’ – et par conséquent plus de ‘dedans’ – ni sur cette terre, ni hors d’elle, ni dans cet univers, ni hors de lui, par rapport à quoi un sens pourrait se déterminer » (Le Sens du monde, 1993). En d’autres termes, l’écriture ne parvient plus à tracer les limites d’un monde qui serait une « articulation différentielle de singularités qui font sens en s’articulant » (Idem). Or, s’il l’on en croit Haraway, « l’écriture constitue de façon pré-éminente la technologie des cyborgs », et c’est précisément notre rapport au monde comme appareillage qu’il s’agit de penser ici, c’est-à-dire un monde toujours déjà pris dans un rapport à la technique dénaturante : « un corps cyborg n’a rien d’innocent, il n’est pas né dans un jardin, il ne recherche pas l’identité unitaire et donc ne génère pas de dualismes antagonistes sans fin (ou qui ne prennent fin qu’avec le monde lui-même) […] » (voir aussi le concept d’écotechnie, in Jean-Luc Nancy, La Déclosion, 2005).

Comment penser dès lors la fin du monde, ou tout au moins la fin d’un monde de la représentation, « c’est-à-dire un monde sans Dieu capable d’être le sujet de sa représentation » selon les termes de Jean-Luc Nancy, dans La Création du monde ou la mondialisation (2002). La question de la transcendance s’est déplacée, et porte désormais sur l’existence et la possibilité de faire advenir un monde commun dans sa matérialité a-signifiante alors même que le discours religieux prenait en charge jusqu’alors la production du sens comme promesse d’une révélation. On pourra donc s’intéresser plus particulièrement à la problématique de la dés/incarnation dans une littérature marquée par la fin de la transcendance du verbe, fin qui signe l’entrée dans le monde des corps : dans quelle mesure le mystère s’est-il vidé de sa substance métaphysique en se déplaçant vers le champ de la technique (mouvement que l’on pourra éventuellement appréhender, sur les traces de Derrida, sous l’angle paradoxal d’une réaction auto-immune de la religion) ?

Cet atelier souhaiterait accueillir des contributions consacrées à la littérature américaine contemporaine (œuvres imprimées ou électroniques, fiction ou poésie, au-delà des frontières génériques classiques) dans sa confrontation avec les questions évoquées ci-dessus, ainsi que des propositions de nature plus théoriques (mais s’appuyant toujours sur un corpus contemporain, dans le domaine de la littérature et/ou des arts visuels, et de leur interaction avec la technologie numérique).

Les propositions d’environ 350 mots sont à envoyer simultanément à : Brigitte Félix et Arnaud Regnauld avant le 15 décembre 2012.

The End of the World, or Writing and Disincarnation
Brigitte Félix and Arnaud Regnauld (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis)

The ironic and blasphemous figure of the cyborg oscillates between a materialistic and an idealistic approach depending on the posthumanistic ideology it serves (Donna Haraway, “A Cyborg Manifesto: Science, Technology, and Socialist-Feminism in the Late 20th Century”, Simians, Cyborgs and Women: The Reinvention of Nature [New York: Routledge, 1991] 149-181). The cyborg opposes the idea of a Creation, and by extension the myth of a return to an original unity at the end of the world while being haunted by the ghost of a transcendental soul incarnated into its hybrid body, half-human, half-machine. The cyborg body opens both the possibility of a return to wholeness (what Derrida designates as “the holy, the sacred, the safe and sound, the unscathed, the immune” (Acts of Religion, 2002) and that of a potentially endless dis- and re-assembling process blurring the boundaries of the same as it is caught within a process of perpetual hybridization with the other—such hybridization should be understood here as a profanation of (promised) purity. The cyborg entertains an ambivalent relationship with religion whose paradoxical articulation with an “expropriating and delocalizing” technoscience should be thought out.

Now, according to Jean-Luc Nancy, the “globalization” which marks the loss of the transcendence of the word and the beginning of a semiotic drift entails “this end of the sense of the world, which is the end of the world of sense.” Globalization “no longer leaves any ‘outside’ and consequently no longer leaves any ‘inside’—neither on this earth nor beyond it, neither in this universe nor beyond it—with relation to which a sense could be determined” (The Sense of the World, 1997). In other words, writing no longer manages to delineate the contours of a world which could be “a differential articulation of singularities that make sense in articulating themselves” (ibid.). If one is to believe Haraway, “writing is pre-eminently the technology of cyborgs,” and it is precisely our relationship to the world as prosthesized that needs to be reflected upon, that is to say a world always already caught in a technical and denaturalizing relationship: “A cyborg body is not innocent; it was not born in a garden; it does not seek unitary identity and so generate antagonistic dualisms without end (or until the world ends) […].” (One could also refer to the concept of ecotechnics, see Nancy, Dis-Enclosure: The Deconstruction of Christianity, 2008).

How are we then to consider the end of the world, or at least the end of a world of representation, in other words “a world without God capable of being the subject of its representation” in Jean-Luc Nancy’s words (The Creation of the World or Globalization, 2007). The question of transcendence has shifted onto other grounds and now bears upon the existence and possibility of the advent of a common world in its a-signifiying materiality while religious discourse took charge of the production of meaning as the promise of a revelation. One could therefore focus more specifically on the problematics of dis/incarnation in a literature marked by the end of the transcendence of the word, an end which heralds the beginning of a world of bodies: to what extent has the mystery been emptied of its metaphysical substance as it shifted into the field of technology (a shift which one could possibly interpret, following Derrida’s theory, as religion’s autoimmune reaction)?

This workshop welcomes contributions dedicated to contemporary American literature (printed or electronic works, poetry or fiction, beyond traditional generic boundaries) in its encounter with the above-mentioned issues, as well as more theoretically oriented proposals (still based on a contemporary corpus in the field of literature and/or the visual arts, and their interaction with digital technologies).

Abstracts of approximately 350 words should be sent to both Brigitte Félix et Arnaud Regnauld by December 15, 2012.

28. Incarner la spiritualité et inscrire la religion dans le cinéma américain
Anne-Marie Pacquet-Deyris (Université Paris Ouest Nanterre) et Gilles Menegaldo (Université de Poitiers)

Hollywood tout comme le cinéma indépendant ont souvent représenté des systèmes de croyance à l’écran, qu’ils soient clairement identifiés comme partie prenante d’un dogme officiel (épiscopalien, juif hassidique, méthodiste africain, baptiste sudiste, amish etc.) comme dans l’adaptation par John Huston de Wise Blood, roman de Flannery O’Connor ou qu’ils empruntent à d’autres formes de spiritualité, en dehors de cette gamme de religions officielles et bien identifiées, comme le fait Terrence Malik dans Days of Heaven ou plus récemment dans Tree of Life. La religion est aussi sous-jacente dans nombre de films de genre comme le western, le film policier (Angels with Dirty Faces, Michael Curtiz, Bad Lieutenant, Abel Ferrara) ou encore le film d’horreur (The Exorcist, The Ome, etc.). Enfin la spiritualité irrigue nombre de films hollywoodiens en relation par exemple avec le sublime du paysage. Àl’occasion de cet atelier, nous essaierons d’analyser les moyens divers par lesquels les cinéastes captent les formes, les significations et les fonctions de la religion pour les inscrire à l’écran. Est-il possible de définir une catégorie comme le « film religieux » dont une expression plus majestueuse serait le film Biblique épique ?

Propositions sont à envoyer à Anne-Marie Paquet-Deyris et Gilles Menegaldo avant le 15 décembre 2012.

Incarnating Spirituality and Inscribing Religion in American Cinema
Anne-Marie Pacquet-Deyris (Paris Ouest Nanterre) and Gilles Menegaldo (Université de Poitiers)

Hollywood as well as American independent cinema have often represented systems of belief on screen whether they be clearly identified as part of the official dogmas (Episcopalian, AME: African Methodist Episcopal, Jewish Hassidic, Southern Baptists, Amish…) as in John Huston’s adaptation of Flannery O’Connor’s Wise Blood, or draw more on forms of spirituality, outside the well-identified and institutionalized range of religions, as in Terrence Malick’s Days of Heaven or the more recent Tree of Life. Religion is also underlying in a number of genre films such as the western, the crime film (Angels with Dirty Faces, Michael Curtiz, Bad Lieutenant, Abel Ferrara), or the horror Film (The Exorcist, The Omen, etc.). Lastly, spirituality pervades a number of films in relation, for example, with landscape sublimity. In this workshop, we will try to analyze the diverse ways in which directors capture the forms, meanings and functions of religion and inscribe them on screen. Is it possible to say that there is such a generic category called “the religious film,” whose most majestic expression would be the Bible epic?

Submissions should be sent to Anne-Marie Paquet-Deyris and Gilles Menegaldo by December 15, 2012.

29. Religion et transgression dans la littérature et les arts visuels
Christophe Chambost (Université Bordeaux 3) et Jocelyn Dupont (Université de Perpignan)

Cet atelier consacré à la transgression religieuse dans la littérature et les arts visuels américains s’inscrit dans une perspective résolument transdisciplinaire et diachronique, mais soudée par une approche philosophique héritée de Georges Bataille (1897-1962). Pour Bataille, on le sait, la transgression et le mouvement érotique qu’elle entraîne ne sauraient un seul instant être dissociés d’une expérience intérieure profondément empreinte de religiosité mystique. L’« hétérologie » bataillienne a donc les contours d’une eschatologie, et ses manifestations transgressives ne se départissent jamais d’un appel au divin, situé plus souvent en-deçà qu’au-delà.
Si Bataille avait fameusement pris la défense des écrits d’Henry Miller en 1946, il est patent que la littérature et les arts visuels états-uniens ne l’avaient pas attendu pour allier mysticisme et transgression. Il n’est ainsi qu’à songer à la folie possédée de Theodore Wieland chez Brockden Brown dans Wieland, or The Transformation (1798), au pervertissement du mythe fondateur de l’Akedah responsable de la perte des fils de la nation (Hawthorne, Bierce…), voire aux tourments des narrateurs les plus fous d’Edgar Poe, ceux du « Tell-Tale Heart » ou de « The Black Cat », relayés sur la scène contemporaine par Chuck Palahniuk dans Survivor (1997). Dans le domaine du cinéma, on pourra songer à l’alliance maudite entre religiosité et violence urbaine telles qu’elle se manifeste chez Martin Scorcese (Mean Streets) ou Abel Ferrara (Bad Lieutenant). La photographie contemporaine a elle aussi démontré de redoutables potentialités dans ces associations entre religion et transgression, à l’image du célèbre Piss Christ d’Andres Serrano, ou encore de l’œuvre de Joel Peter Witkins, qui revendique un art fondamentalement chrétien mais dont la part maudite ne saurait épargner l’œil du spectateur. Ces œuvres visuelles sont à la fois complices et dénonciatrices des us et coutumes de nos sociétés occidentales (Hal Foster, The Anti-Aesthetic). Et l’ordonnancement initial d’une image « propre et nette » peut parfois se fissurer et laisser filtrer les signes d’un chaos originel troublant (Rosalind Krauss, The Optical Unconscious). Les œuvres de Cindy Sherman ou Jeff Wall sont d’autres exemples plus ou moins flagrants de cette veine transgressive de l’art photographique.

Les contributeurs sont donc invités, sans restriction disciplinaire ni chronologique, à proposer des communications dans lesquelles se manifeste l’extase religieuse de la transgression érotique, « approbation de la vie jusque dans la mort ».

Merci d’adresser conjointement vos propositions à Jocelyn Dupont et Christophe Chambost avant le 15 décembre 2012.

Religion and Transgression in US Literature and Visual Arts
Christophe Chambost (Université Bordeaux 3) and Jocelyn Dupont (Université de Perpignan)

This interdisciplinary and diachronic workshop will be dedicated to exploring the manifestations of religious transgression in literature and the visual arts from the United States, under the aegis of French philosopher Georges Bataille’s theories. According to Bataille, transgression and its erotic dynamics cannot be separated from a religious, even mystical internal experience. Bataille’s “heterologies” thus appear as a singular form eschatology, whose transgressive manifestations always somehow connect with the Divine, whose transcendence is to be sought beneath more often than beyond.

While Bataille famously stood up in defense of Henry Miller in 1946, it is obvious that American literature and visual arts had already been exploring for many decades some potentialities of the unholy alliance between mysticism and transgression. One only has to think of Theodore Wieland’s God-inspired dementia in Brockden Brown’s Wieland, or The Transformation (1798), the perversion of the founding myth of the Akedah accountable for the loss of the Sons of the Nation (Hawthorne, Bierce), or of the mystical torments afflicting some of Poe’s most famous mad narrators, as in “The Tell-Tale Heart” of “The Black Cat,” relayed on the contemporary scenes by Chuck Palahniuk in Survivor (1997), to name but one prominent “transgressional” author. As far as cinema is concerned, filmmakers such as Martin Scorcese (Mean Streets) or Abel Ferrara (Bad Lieutenant) have for some time imbued their urban ultra-violence with a profound sense of religiosity. Contemporary photography has also explored this path, with artists like Andres Serrano or Joel Peter Witkins leading the way. As Hal Foster argues in The Anti-Aesthetic, such visual works simultaneously attack and partake in the mores and customs of our Western societies, so that the initial “order” of the picture fissures and cracks open, letting through the manifestations of an original chaos (Rosalind Krauss, The Optical Unconscious). The works of Cindy Sherman or Jeff Walls are further examples of the transgressive potential of photography.

Contributors are therefore invited, without any disciplinary or chronological reservation, to propose papers in which religious ecstasy meets the transgressive energy of eroticism, “the affirmation of life into death.”

Please e-mail your paper proposal to Jocelyn Dupont and Christophe Chambost by December 15, 2012.

30. Les icônes entre sécularisation et resacralisation
François Brunet (Université Paris Diderot) et Géraldine Chouard (Université Paris Dauphine)

Processus historique de prise d’autonomie vis-à-vis du religieux (Marx, Weber), la sécularisation est un phénomène reconnu de l’évolution du monde occidental, au point d’être devenu l’un des principaux paradigmes d’interprétation de sa modernité.

Les États-Unis constituent et revendiquent à cet égard une certaine exception, liée à l’héritage historique d’un pays qui a combattu à la fois pour la « liberté de culte », en en faisant sa première valeur fondatrice, et pour une autonomisation du politique vis-à-vis du religieux, et qui a élaboré une « religion civile » servant de matrice à sa construction identitaire sans pour autant en exclure les religions traditionnelles, à commencer par le protestantisme sous ses multiples formes. Depuis les années 1960, le renouveau de diverses formes de religiosité dans la société américaine a amené certains commentateurs à mettre en cause la thèse d’une sécularisation croissante et générale de la société américaine.

Actualisant ce propos, dans un article intitulé « The “Return” of Religion in the Scholarship of American Art » (2003), Sally M. Promey soulignait justement la spécificité du « cas américain » : « In the United States, especially, the “problem” of the historical persistence, and even ascendance, of religion in modernity represents a direct challenge to the secularization theory of modernity and its scholarly application », engageant ainsi à porter l’attention critique sur le déplacement du religieux dans divers domaines de la culture américaine, et notamment celui de la culture visuelle (voir The Visual Culture of American Religions, California, 2001).

Si le visuel dans son ensemble est un terrain d’observation privilégié pour interroger la pertinence actuelle de la théorie de la sécularisation, cet atelier s’intéressera plus particulièrement aux icônes américaines (stars, marques, sites, objets, logos, photos « historiques », etc.), offrant des approches diversifiées de son processus.

Cet atelier vise notamment à aborder l’évolution ou l’oscillation (manifeste surtout depuis le 11 septembre) de l’icône, envisagée d’un point de vue théorique, politique, religieux, artistique, entre deux pôles opposés, à savoir :
a. une conception séculariste et souvent péjorative de l’icône et plus généralement de « l’image » comme simulacre, version dévitalisée ou commercialisée de l’icône religieuse ou de « l’idéal » politique, allant jusqu’à la dénonciation d’un « désenchantement » ou d’un « désert de réalité » dans le « culte » moderne des images (Boorstin, Baudrillard)
b. une conception « resacralisante » de l’icône, où le culte moderne des images (notamment patriotiques et commerciales) est pris au sérieux comme nouvelle religion civile, voire nouvelle religion tout court, devenant cible et instrument de « guerres culturelles » (et en particulier de pratiques iconoclastes, profanation, etc.) et de guerres interculturelles (en particulier dans la confrontation médiatique des « civilisations » chrétienne et musulmane) (Mitchell, Zizek)

Entre ces deux axes, différentes acceptions ou fonctions intermédiaires de l’icône pourront être envisagées, dans une large palette de domaines du champ américaniste (sciences politiques, études culturelles, histoire de l’art, sémiotique, critique littéraire…).

Merci d’envoyer vos propositions à François Brunet et à Géraldine Chouard avant le 15 décembre 2012.

Icons: Between Secularization and Resacralization
François Brunet (Université Paris Diderot-Paris 7) and Géraldine Chouard (Université Paris Dauphine)

Secularization, the historical process in which societies move away from religious dependence (Marx, Weber), is a well-recognized step in the evolution of the Western world and has become one of the main paradigms of interpretation for its modernity.

The United States, however, is one notable exception in this regard. Historically, the nation fought for both freedom of religion—its founding value—and the separation of Church and State. A “civil religion” also emerged, forming the basis of an identity in which all traditional religions were accepted, starting with the various Protestant denominations. Since the 1960s, a revival of different forms of religiousness in American society has led some commentators to question the idea of a growing secularization throughout the United States.

In her recent article, “The ‘Return’ of Religion in the Scholarship of American Art” (2003), Sally M. Promey sheds new light on this argument by highlighting the specificity of the American case: “In the United States, especially, the ‘problem’ of the historical persistence, and even ascendance, of religion in modernity represents a direct challenge to the secularization theory of modernity and its scholarly application.” Promey pays particular attention to the expression of religion in various areas of American culture, especially visual culture (see The Visual Culture of American Religions, California, 2001).

While visual culture as a whole provides a unique vantage point from which to examine the relevance of the secularization theory today, this workshop will focus more specifically on American icons (stars, brands, sites, objects, logos, “historic” pictures, etc.) and provide a diversified look at the evolution of secularization.
This workshop will address in particular the oscillation (especially since 9/11) of icons between two opposing poles:
a. A secularist and often pejorative view of icons and, more generally, of the image as simulacrum. The critique of debased or commercialized versions of the religious icon or political ideal denounces disillusionment or a “desert of reality” in the modern worship of images (Boorstin, Baudrillard)
b. A “resacralizing” view of the icon in which contemporary forms of image worship (particularly patriotic and commercial images) are considered constituents of a new civil religion, or even a new religion in itself, and become the target or weapon of cultural wars (in iconoclast practices, defamation, etc.) and intercultural wars (as witnessed in the media confrontation of Christian and Muslim civilizations) (Mitchell, Zizek).

Between these two opposing views, one may imagine other definitions or uses of the icon in the wide-ranging field of American studies (political science, cultural studies, art history, semiotics, literary criticism).

Please send your proposals to François Brunet et à Géraldine Chouard by December 15, 2012.

31. L’esprit iconoclaste I : religion et blasphème dans la culture populaire
John Dean (Université de Versailles Saint-Quentin) et Nicolas Labarre (Université Bordeaux 3)

La culture populaire des États-Unis n’est pas avare de représentation du fait religieux, reflétant en cela le rôle du fait religieux dans le pays. Simultanément, la culture populaire ne cesse de s’emparer du religieux pour le moquer, le détourner ou s’en affranchir. C’est cette tension que se propose d’étudier cet atelier.

Le cinéma hollywoodien, pour ne prendre que cet exemple, fait régulièrement étalage de piété œcuménique, qu’il s’agisse de l’affiche du ET de Spielberg (1982) – pastichant la Création du monde de Michel-Ange – de la trajectoire rédemptrice du super-héros ou de l’ascension de prédicateurs télévisuels au rang de célébrités nationales. Pourtant, au-delà de cette présence ordinaire, banalisée par sa fréquence et son traitement, la culture populaire reste un champ de bataille particulièrement contesté dès lors qu’elle entend mettre en avant la religion, même pour y adhérer. Les exemples de The Passion the Christ (Mel Gibson, 2004) ou de la plus sobre saga des films adaptés de la série des Chroniques de Narnia, de C.S. Lewis (2005, 2008 et 2010) ont ainsi déclenché l’enthousiasme d’un public très ciblé, en même temps qu’une violente controverse. Cette résistance est bien perçue par les industries culturelles, qui n’hésitent pas à en faire usage à des fins d’autopromotion, utilisant une approche blasphématoire ou perçue comme telle comme métonymie d’un propos subversif. On pense ainsi à une affiche comme celle de The People vs. Larry Flint (Milos Forman, 1996) montrant le héros en croix devant des cuisses nues, qui avait sur ce point atteint son objectif. Citons aussi le personnage de Jimmy Kimmel dans The Strip – le cartoon publié par le New York Times – l’animateur de talk-show David Letterman ou encore Scandalous: The Life and Times of Aimee Semple McPherson, succès actuel de Broadway. De façon récurrente, le genre horrifique s’est fait une spécialité de cette récupération dans divers médias, depuis le succès fondateur de The Exorcist (William Friedkin, 1973) : que l’on pense à des objets culturels aussi variés que Event Horizon (Paul W. Anderson, 1997) ou à la bande dessinée Preacher (Garth Ennis et Steve Dillon, 1995-2000). La culture populaire se fait alors iconoclaste – s’attaquant littéralement à des images, des représentations – sans cesser de clamer en creux l’importance du religieux.

La question des contours frontières de la culture populaire apparaît de ce point de vue comme déterminant : la culture populaire mais perçue comme légitime peut s’emparer de fait religieux (Wise Blood, de John Houston, 1979, Magnolia de Paul Thomas Anderson, 1999) quand une culture de masse, celle du blockbuster et de la production industrielle, se voit dénier ce droit. La différence de réception entre The Last Temptation of Christ (Martin Scorsese, 1988) et Mary (Abel Ferrara, 2005), deux films réalisés par des cinéastes très religieux, mais deux films présentant une relecture peu orthodoxe de la Bible, est de ce point éloquente. L’exemple du jeu de carte Magic : the Gathering, qui supprima tout pentacle ou démon de ses cartes au moment de quitter la sous-culture des joueurs de jeu de rôle pour devenir mainstream (en 1995) est également éloquent. Il faudrait sans doute ajouter à cette dichotomie une troisième catégorie, celle de l’underground, par définition peu visible dans l’espace public, qui mobilise le fait religieux dans le cadre de son usage des tabous contemporains et joue le rôle d’avant-garde en nourrissant sur ce point la culture légitime (voir la filiation entre le roman graphique fondateur de Justin Green Binky Brown Meets the Holy Virgin Mary et Maus). On peut d’ailleurs s’interroger sur la place de la série télévisée dans cette classification, d’une part en raison de la légitimation rapide de la forme, d’autre part à cause de la multiplicité de ses modes de diffusion et de réception. L’athéisme militant mais constamment dialectisée d’un House dans la série éponyme ne semble pas pouvoir être mis sur le même plan que l’anticléricalisme rigolard de certains épisodes des Sopranos ou le nihilisme attendri des Simpsons.

Dans le cadre de cet atelier, nous souhaitons nous pencher sur les modes de détournement voir de contestation de la religion et de ses représentations au sein des formes populaires. Comme l’indique le terme d’ « iconoclaste », ce sont bien les images qui nous intéresserons au premier chef. Parmi les axes possibles, citons la question de la spécificité des formes : le traitement même de la religion par le jeu vidéo paraît immédiatement problématique, par exemple, comme l’atteste le choix de Nintendo de ne pas vendre sur sa boutique en ligne un jeu américain intitulé The Binding of Isaac, après que celui-ci avait été qualifié officiellement de « blasphématoire » en Allemagne. Outre les questions de mondialisation de la spiritualité dans les industries culturelles, que suggère cet exemple, citons aussi parmi les pistes possibles les études portant sur le rôle du genre narratif. Celui-ci apparaît comme un axe particulièrement riche dans la mesure où la science-fiction, le fantastique ou l’horreur établissent un rapport très spécifique au religieux et au spirituel, permettant toutes les extrapolations (la série Battlestar Galactica, 2004-09), toutes les reconfigurations (2001, A Space Odyssey, 1968). Outre les modes de création d’images pouvant être lues comme blasphématoires ou iconoclastes, nous encourageons les propositions traitant de leur fonction et leur réception. Une approche historisant ce type de réflexion paraît également nécessaire et fructueuse, si l’on pense au scandale provoqué par un numéro de Panic en 1953, dans lequel Bill Elder avait dessiné un panonceau « Just Divorced » au traîneau de Santa Claus, en le rapportant à l’indifférence ayant accueilli la sortie de Chosen, en 2005, récit dans lequel un messie présumé se révèle être le diable lui-même.

Les propositions de communications, d’une longueur maximale de 300 mots, sont à faire parvenir aux organisateurs Nicolas Labarre et John Dean avant le 15 décembre 2012.

The Iconoclast Spirit I: Religion and Blasphemy in Popular Culture
John Dean (Université de Versailles Saint-Quentin) and Nicolas Labarre (Université Bordeaux 3)

Here is the problem: how and why is it that US popular culture so often proclaims the valid importance and integrity of religious and spiritual elements in American life while simultaneously attacking religious images? How and why does US popular culture use religious and spiritual motifs, themes, and narratives in an altogether iconoclastic way, in a wide range of genres, media, communicative languages and levels? The key issue of this debate is the continuity of the incongruous.

US popular culture is not stingy when it comes to the presence and presentation of religious elements, which, in turn, mirror its importance in the everyday life of the nation at large. Consider the current and familiar cornucopia of US popular culture where an embarrassment of riches awaits us. See the themes of God and country mocked in the nightly editorializing of late night talk show comics from sacrilegious David Letterman to taboo-breaking Jimmy Kimmel, in the New York Times’ weekly use of editorial cartoonist Brian McFaden’s The Strip; see it in Broadway’s current Scandalous: The Life and Times of Aimee Semple McPherson & even in parts of the record-breaking new musical The Book of Mormon; or in US TV’s 2012 season hits “Psych” or ABC’s “The Neighbors” (about space aliens next door); or in the long-running spiritual-transcendental mockery of “Third Rock from the Sun” sitcom; or with the religious gays in ABC’s fresh sitcom “Modern Family” (how does a gay couple with an adopted child adapt to Sunday school?); or in NBC’s new series “Revolution” (a post-apocalypse Earth without electricity—but fighting for faith).

Amid many medias the dynamic theme of religious belief and religious iconoclasm looms large: in Hollywood movies themselves and in their promotional material in posters, with popular heroes, as daily topics of common conversation and newspaper editorials, in TV shows and merchandising. One has here an enormous buffet of religious narratives which extends from Cecile B. DeMille’s silent-era Ten Commandments (1923), through Spielberg’s E.T. (1982); in the current sexual-spiritual priest portrayed by William Macy in The Sessions (based on the best-selling “true story” novel); and in the fall 2012 break-through vision of the nation’s human-spiritual icon, in Lincoln (dir. Spielberg).

One finds US everyday spiritual terrain contested as well in the controversies which accompany such recent blockbusters as Gibson’s Passion of the Christ (2004) and the Narnia series (2005,’08,’10). It is found as well in the way religious scandal is used to enhance and sell popular culture, as in the poster that promoted Milos Forman’s The People Versus Larry Flynt (2004)—with a Jesus-Flynt crucified on a cross, greasy and sweaty with half-porn, half-US self-righteousness; and in horror stories in which bodily harm blend with spiritual longing and fears, in the graphic novel series Preacher (1999-2000); and in a long list of movies from The Exorcist (1973) to Event Horizon (1993) to the current popular hit: The Possession: Fear the Demon that Doesn’t Fear God (2012, dir. Ole Bornedal).

One determinant element amid the issues of the debate which we seek to explore is the frontier of US popular culture, the need of this socio-cultural force to break boundaries for better or worse. Thus “frontier” and its relation to the iconoclastic takes on many meanings. There is the use of cutting-edge TV and radio for “televangelism” or for Billy Sunday’s and A.S.Mcpherson’s tremendously successful “radiopreach”; or the use of “frontier” as a respected story-telling place in an otherwise horrid world—as in cinematic adaption of a bestselling yet regional novel; Wise Blood (J. Huston, 1979); or in Magnolia (P.T. Anderson, 1999); and by religious story tellers who insist on their personal, iconoclastic visions—as in Scorsese’s Last Temptation of Christ (1998) or in Ferrara’s Mary (2005).

Then, in addition, one has the process of USA’s popular culture “alternative” or underground world of creators, production, representation and audience with regard to the spiritual, religious and the iconoclastic. This is especially vibrant, online and in the hard-copy world, both in US coastal cities (LA, Boston, New York, Chicago) and on US campuses (Austin, Bloomington, Cambridge). Physical places and area, a sense of the US locale, interplay with spiritual representations. Here religious elements are mobilized in a play of faith and faithless, sacred and taboo, traditional and avant-garde—notably in Justin Green’s seminal graphic novel Binky Brown Meets the Holy Virgin Mary (1972) and in Spiegelman’s tremendously successful cross-over work which transformed the use of the animal parable in US popular culture: Maus (1973-1991). The example of the trading card-game Magic: the Gathering, which shed its demons and pentagrams when it moved from a gamer subculture to the mainstream, illustrates the relevance of these categories from the perspective of culture producers as well.
Finally, within the frame of these and other works, authors, and audience reception we hope to explore both how American religious beliefs have been affirmed and questioned by way of the nation’s popular culture terrain, which functions as a public forum of debate, reform, protest and spiritual-social consolation. Thus, in effect, the nation’s popular culture is its Declaration of Independence, which is constantly, freshly rewritten and renewed. As the very word “iconoclast” itself points out, our primary interest with our participants shall be to try to discover and clarify together how images are tools, weapons, elements of social persuasion, dialogue and dialectic, belief and disbelief. Realizing, of course, how high culture and low, the church and the “boob tube,” the temple and PC, the mosque and the comic strip all overlap, contend, and explode into each other with this topic.

Which means, as well, one must include and consider the uses of “the holy,” of “kitsch,” of “ritual” and, of course, the interplay, the balance and the imbalance of the spiritual and material in US popular culture and everyday American life.

Selected bibliography:
Stacy Boldrick & Richard Clay, eds, Iconoclasm: Contested Objects, Contested Terms (Burlington, Vermont: Ashgate Publs., 2007).
Albert Boime, The Unveiling of the National Icons: A Plea for Patriotic Iconoclasm in a Nationalist Era (New York: Cambridge University Press, 1998).
Patrick Eben, “Iconoclasm without Icons?” in: Linda Gregerson, ed., Empires of God (Philadelphia, PA: University of Pennsylvania Press, 2011).
Elizabeth Guffey, “Avant-Garde Art and the Culture of Protest: The Use-Value of Iconoclasm” in: Jan Kromm, ed., A History of Visual Culture (New York, Berg Publs., 2010).
J. A. Brebner & J. C. Mhanti, eds., Iconomatrix, Vol. 1, 1975-1976.

Proposals no longer than 300 words should be sent to the organizers Nicolas Labarre and John Dean by December 15, 2012.

32. L’esprit iconoclaste II : religion et blasphème dans la musique populaire
Claude Chastagner (Université Montpellier 3) et Elsa Grassy (Université de Strasbourg)

Si elle se fait remarquer davantage par son rôle iconoclaste que par ses accents spirituels, la musique populaire américaine s’accommode tout autant du profane que du religieux, du sublunaire que du transcendant, et ne procède pas plus du corps que de l’esprit. À côté des (trop) médiatiques accusations d’immoralisme et de satanisme dirigées contre le heavy metal, le rock et le gangsta rap, des genres tels que le gospel, le folk et plus récemment le rock chrétien, le New Age et le taqwacore ont glorifié dieu et donné aux artistes come à leur public accès à de nouvelles formes de spiritualité. Dans cette étrange famille où l’on croise des membres aussi différents que la Carter Family, Madonna, Mahalia Jackson, Marilyn Manson, Little Richard ou Bob Dylan, la musique reflète – magnifie, parfois – la relation que chacun d’entre nous entretient avec le divin. La parole biblique, relayée par les uns, se trouve éreintée par les autres et les récits de quêtes spirituelles côtoient les combats livrés avec d’éternels « démons » intérieurs.

Même lorsqu’elle célèbre explicitement les plaisirs de la rébellion et de la transgression (la fameuse trilogie sexe, drogue et rock’n’roll) ou invoque, par jeu ou ironie, quelque figure satanique, la musique populaire reste liée au spirituel dans une tension féconde. Elle est aussi bien aux mains des marchands du temple que l’instrument de la foi, et le sacré habite les églises comme les festivals de rock, guide la main des artistes come l’oreille de leur public.

La religion en tant qu’institution a pu être la cible des critiques de chanteurs engagés ou de rockeurs dénonçant des normes sociales contraignantes. Considérés comme une menace à l’ordre établi, certains groupes de rock sont devenus la cible des associations religieuses, soucieuses de préserver la jeunesse de leurs messages immoraux. Cette odeur de souffre, certains en jouent en virtuoses, comme Marylin Manson qui signe avec l’album Antichrist Superstar en 1996 une nouvelle variation rock sur le thème de la violence et du sacré. En se faisant l’incarnation de tout ce que la musique peut porter de cruauté et d’iconoclasme, Manson embrasse son rôle d’épouvantail médiatique et rappelle la position ambiguë de la star, entre idole des foules et victime expiatoire.

Car plus qu’un matériau de composition, plus qu’un système symbolique qu’utilisent ou renversent les artistes de musique populaire, la religion et la spiritualité fournissent par ailleurs aux musiques non savante des XXe et XXIe siècle une grille d’analyse. Les chercheurs ont souligné les analogies entre concerts et rituels, exploré les contradictions entre lien communautaire et démarche individuelle. Ils ont volontiers fait de l’interviewer un confesseur, du critique un exégète, du fan un fidèle. Au-delà de la célébration du divin qu’expriment les musiques populaires liées à des Églises spécifiques, la présence du religieux a été lue comme un refuge pour un public confronté à la désorientation du moderne et à la perte de valeurs qu’il est censé induire, un contrepoids aux ambiguïtés et paradoxes qu’il génère.

S’il conviendrait de dresser un état des lieux détaillé et un historique précis des rapports entre musique populaire et spiritualité qui dépassent les truismes et apportent des arguments convaincants à nos intuitions, cet atelier s’interrogera plus modestement sur la spécificité américaine de ces rapports. En quoi la prégnance du religieux distingue-t-elle la musique étatsunienne de celle d’autres aires culturelles ? S’agit-il véritablement de l’expression d’une foi et d’interrogations spirituelles ou de leur simple esthétisation ? En quoi les manifestations du religieux sont-elles complémentaires ou contradictoires de celles du spirituel ? Les processus de sécularisation ont-ils été plus marqués aux États-Unis qu’ailleurs ? La cohabitation entre la tradition religieuse et l’expression du profane y est-elle au contraire plus difficile ? Comment cette dimension est-elle vécue par les différents acteurs : public, artistes, médias et représentants de l’industrie du disque et du spectacle ? Dans quelle mesure permet-elle l’émergence et la transformation d’identités et d’idéologies spécifiques ? Quel rôle les Églises instituées jouent-elles à l’égard de ces formes musicales ? Comment la présence du spirituel et du religieux dans la musique s’articule-t-elle avec le contexte plus global de la culture et des arts nord-américains ?

Les communications, de préférence en anglais, peuvent prendre la forme de case studies portant sur des artistes ou des genres spécifiques, contemporains ou non. Elles peuvent également s’interroger de façon plus théorique sur les différentes problématiques envisagées ci-dessus.

Les propositions (300 mots + une courte bio) seront envoyées à la fois à Claude Chastagner et à Elsa Grassy avant le 15 décembre 2012.

The Iconoclast Spirit II: Religion and Blasphemy in Popular Music
Claude Chastagner (Université Montpellier 3) and Elsa Grassy (Université de Strasbourg)

Though American popular music is more celebrated for its iconoclastic tendencies than its spiritual leanings, it welcomes the profane as much as the religious, the mundane as much as the transcendental, the flesh as much as the spirit. While heavy metal, rock, and gangsta rap have been famously accused by over-eager media of Satanism and immorality, other genres such as gospel, folk, and more recently Christian rock, New Age, or taqwacore have glorified God, and allowed their followers to access new forms of spirituality. The whole family of popular music, which includes the Carter Family, Madonna, Mahalia Jackson, Marilyn Manson, Little Richard, or Bob Dylan, reflects—sometimes magnifies—the relationship we may entertain with the divine. Some celebrate the Gospel, others tell us of their struggles with their inner demons. Even when it explicitly celebrates rebellion and transgression—or playfully and ironically conjures up some satanic majesty – popular music remains connected to the spiritual.

Institutional religion has been the target of many protest singers, but conversely, many rock bands have been targeted by religious groups for their lyrics and attitudes, perceived as pernicious and demoralizing. Some relished the criticism, though, and played with it, such as Marilyn Manson with his 1996 Antichrist Superstar, a variation on violence and the sacred.
In addition to being symbolic systems that artists either tap into or try to topple, religion and spirituality may be used as a prism through which one can analyze and understand popular music. Researchers have underlined the proximity between religious rituals and rock concerts, and explored the tensions between communitarianism and individualism that the latter reveal. They read interviewers as confessors, critics as exegetes, fans as worshippers. Beyond the celebration of specific creeds and faiths, religiosity in popular music has been understood as providing shelter to bewildered postmodern crowds, puzzled by the loss of meaning and the fragmentation of contemporary societies.

It would be appropriate to describe in details the current situation, and make a historical assessment of the connections between popular music and spirituality, beyond mere intuitions and truisms. More modestly, this panel will focus on the American specificity of this relationship.
We will pay particular attention to how its religious significance can help distinguish American music from others, but also at how the religious presence in popular music can be articulated within the larger framework of North American art and culture. Music may provide new insights on the conflicts between religious traditions and the profane, which might be more tense in America than in other Western countries. We will address the question the true function of religiosity in the music, as what first appears like a true expression of belief might in the end only be a mere aesthetic sheen. Are religious displays complementary to, or contradictory with a spiritual dimension? We will look at how the various actors of popular music (audiences, artists, media and industry people) perceive this religious and/or spiritual dimension and at how their experiences might differ. Lastly, an analysis of religion and popular music would not be complete without a study of the role that the various institutions and Churches have played in conjunction with musical forms.

Papers, preferably in English, can be either case studies on specific genres or artists, from contemporary scenes, or past eras. They can also be more theoretical questioning of the issues mentioned above.

Send your proposals (300 words + a short biography) to both Claude Chastagner et à Elsa Grassy by December 15, 2012.

33. Séries télévisées, religion et spiritualité
Anne Cremieux (Université Paris Ouest Nanterre) et Ariane Hudelet (Université Paris Diderot)

À l’heure où l’Europe de l’Ouest s’écarte de ses traditions religieuses, la religion et la spiritualité demeurent des aspects centraux de la culture américaine, présentes dans les séries télévisées comme dans toute la culture populaire. Si 95% des Américains disent croire en Dieu, cette apparente homogénéité ne doit pas cacher une très grande variété de pratiques que la forme sérielle, avec ses multiples épisodes et ses personnages fort nombreux, permet de mettre en scène et de diffuser de manière rituelle, le plus souvent hebdomadaire, selon un calendrier qui correspond à la pratique du culte de nombre d’Américains. Le phénomène d’identification forte, de connaissance approfondie, voire d’addiction aux séries est à rapprocher de la connaissance des textes religieux et de leur discussion, toutes deux étant destinées à résoudre les questions de la vie quotidienne. Les émissions de télé-évangélisme, à ce titre, se rapprochent des séries télévisées par leur mode de diffusion et leur mise en scène, menée par un pasteur qui porte le programme par son charisme, chaque semaine renouvelé. La série télévisée, par son format même et son mode de consommation, se rapproche des rituels religieux occidentaux. Les séries étant des créations collectives, produites parfois sur plusieurs années, leur cohérence narrative et esthétique est de plus assurée par un document que l’on appelle une « bible », sorte de note d’intention pour tous les membres de l’équipe, présentant personnages, thématiques, axes narratifs, et s’étoffant au fil des épisodes et des saisons. Le choix de ce terme met en évidence les liens étroits entre séries, religion, et spiritualité aux États-Unis, que l’on pourra aborder sous différents angles.

On sera tenté d’étudier par exemple les séries qui se situent au cœur des institutions religieuses (The Borgias), ont pour personnages principaux des représentants de la foi (Father Murphy, Sarge, The Father Dowling Mysteries, 7th Heaven, Sister Kate, Nothing Sacred) ou mettent en scène des personnages mythologiques (un ange dans Touched by an Angel ou Highway to Heaven) ou simplement un questionnement spirituel (Six Feet Under). Une série intitulée The Bible devrait être diffusée en 2013. Si certaines séries, notamment fantastiques, s’appuient sur de fortes références bibliques (Lost, Battlestar Galactica), d’autres présentent un thème religieux récurrent, comme la polygamie mormone de Big Love (2006-2011), la conversation avec Dieu qui ouvre chaque épisode de The Cleaner (2009-10) ou le mariage interreligieux des deux protagonistes de Bridget Loves Bernie (1972-3). Bien des séries subversives mettent à mal les institutions religieuses (True Blood) et créent des univers spirituels fantastiques (Buffy the Vampire Slayer) qui sont aussi la marque de leur époque. Enfin, les analyses des pratiques du culte sériel par les spectateurs/adeptes seront également bienvenues (étude des exégèses sur internet, ou du rapport entre les spectateurs et les principes moraux proposés par certaines séries par exemple).

Les communications pourront être en français ou en anglais. Les propositions de communication (un résumé de 300 mots et une notice biographique de 100 mots, en français ou en anglais) sont à envoyer à Ariane Hudelet et Anne Crémieux.

TV Series, Religion and Spirituality
Anne Cremieux (Université de Paris Ouest Nanterre) and Ariane Hudelet (Université Paris Diderot)

As Western Europe is distancing itself from its Judeo-Christian traditions and practices, religion and spirituality remain central to American culture, as illustrated by popular culture in general, and TV series in particular. While 95% of Americans say they believe in God, such consensus should not hide the immense diversity of practices which the TV series format, with its multiple episodes featuring numerous characters over long periods of time, can portray. The way TV series are watched by the audience may also be seen as a ritual following a regular schedule that mirrors the way Americans practice their religion. The well-known phenomena of strong identification and intimate knowledge of TV series, akin to addiction, is comparable to the study and knowledge of religious texts and their discussion, both being meant to raise and solve everyday life issues. Televangelism, in that respect, is similar to TV series with narratives supported by a charismatic pastor returning every week. On the other hand, TV series, because of the broadcasting schedule and mode of consumption, seem fashioned after Western religious rituals. As a matter of course, each production, because of its potential lifetime and the multiplicity and expendability of its creators, draws up a “bible” to ensure coherence over the years.

Series that immediately come to mind are ones set at the heart of religious institutions (The Borgias), whose main characters are ministers of faith (Father Murphy, Sarge, The Father Dowling Mysteries, 7th Heaven, Sister Kate, Nothing Sacred), which feature mythological characters (an angel in Touched by an Angel or Highway to Heaven), or tackle issues of faith and spirituality (Six Feet Under). An upcoming series entitled The Bible is planned to air in 2013. While some series, especially in sci-fi and fantasy, rely on strong biblical references (Lost, Battlestar Galactica), others feature a recurrent religious issue, such as Mormon polygamy in Big Love (2006-2011), the conversation with God, which opens each episode of The Cleaner (2009-10), or the interfaith marriage of the two protagonists in Bridget Loves Bernie (1972-3). Last but not least, many subversive TV series strongly attack religious institutions (True Blood) and create fantastic spiritual worlds (Buffy the Vampire Slayer) that are also a mark of their times.

Please send a 300-word abstract and a 100-word biographical note (in English or in French) to Ariane Hudelet and Anne Crémieux by December 15, 2012.